Si cette institution fait parler d’elle aujourd’hui, c’est qu’elle s’est retrouvée en manque de liquidités, comme les petites banques californiennes SVB, Signature, Silvergate, etc. Ces dernières ont fait faillite, victimes d’un bank run, d’une panique de leurs clients, mais aussi en raison de pertes sur des placements en bons du Trésor. Pour le Crédit Suisse, c’est l’aboutissement d’une décennie de turpitudes. Voyage dans les bas-fonds de la finance helvétique.
Crédit Suisse : too big to fail ?
Le Crédit Suisse a un portefeuille de clients diversifié, tout comme ses activités. C’est une vieille institution créée en 1856. En juin 2020, elle avait plus de 1500 milliards de dollars en gestion avec un chiffre d’affaires de 22,4 milliards de francs suisses. (source Wikipedia).
La crainte d’un « Léman » Brothers ?
Désolé pour ce mauvais jeu de mots, d’autant que le siège de la banque est à Zurich, bien loin du Lac Léman. En revanche le Président du Conseil d’Administration s’appelle Axel Lehmann, presque comme Lehman Brothers donc. La banque a souffert en début d’année d’un manque de liquidités et s’est vu refuser une augmentation de capital par un de ses nouveaux actionnaires, le saoudien (la Saudi National Bank). Il ne voulait pas dépasser le seuil des 10 % d’actions pour des raisons réglementaires. Le manque de liquidités a été trop lourd à porter par le Crédit Suisse. Mais la Suisse ne pouvait pas lâcher un de ses fleurons bancaires. À la différence des Américains qui, eux, savent très bien laisser leurs banques sombrer dans la faillite.
Banques suisses : on lave le linge sale en famille
Le Président de la Confédération Helvétique a annoncé l’ouverture d’une ligne de crédit de 50 milliards de dollars en urgence. Vous imaginez le Président Macron venir à la télévision annoncer que l’Etat offre 50 milliards à la BNP ou la Société Générale en difficulté ? Et pour refermer la boîte de Pandore définitivement dans le secret des montagnes, c’est UBS qui est venu à la rescousse avec une fusion express. Une belle affaire quand même puisque le prix a été fixé à 1/3 du cours de l’action du Crédit Suisse.
Le Crédit Suisse : l’ami des mafieux, des dictateurs et autres adeptes de la défiscalisation
Ce dernier épisode (enfin, on espère) marque la fin d’une série incroyable de défaillances, fautes, escroqueries, arnaques, navigation en eaux très troubles de la banque de Zurich.
Dissimulation de fortunes de dictateurs
Le premier scandale connu éclate dans les années 80. Marcos a caché une partie de sa fortune auprès du Crédit Suisse. Résultat, en 1995, un tribunal de Zurich impose au banquier de rendre 500 millions aux Philippins ! Autour de 1990, c’est l’argent du dictateur du Nigeria qui est au chaud à Zurich. Un argent détourné pendant toutes les années au pouvoir de Sani Abacha.
Hébergement d’évasion fiscale aux Etats-Unis, en Allemagne ou en Italie
Dans les années 2000, les commerciaux du Crédit Suisse utilisent un nouvel argumentaire pour convaincre les personnes fortunées d’ouvrir des comptes chez eux. La Suisse est un paradis fiscal, les comptes et les coffres de Zurich sont parfaits pour faire de l’évasion fiscale. Mais cela a contrarié de nombreux pays. Les voisins tout d’abord comme l’Italie, l’Allemagne mais aussi le pays du roi dollar, l’Amérique. Et quand les Etats-Unis ont décidé que leur soustraire de l’impôt n’était plus acceptable, ils ont frappé fort, très fort ! Une amende de 2,6 milliards de dollars en 2014.
Fricotage dangereux avec des mafias
Après les milliers de riches à travers le monde pour de la défiscalisation, c’est carrément l’argent sale que le Crédit Suisse a accepté. Certaines sommes troubles, en provenance des Yacuzas au Japon ont été blanchies, 38 millions d’euros. Mais aussi récemment, la banque a financé un cartel de la drogue bulgare. Elle a été condamnée.
Des patrons défaillants
Ces dernières années, le management du Crédit Suisse s’est illustré pour de très mauvaises raisons. Deux PDG ont été licenciés en 3 ans. Le premier est accusé d’avoir espionné des salariés, le second de n’avoir pas respecté les règles sanitaires pendant le COVID. Cela ne fait vraiment pas sérieux, surtout en Suisse.
Investissements hasardeux dans des fonds spéculatifs
La banque de Zurich a misé sur les mauvais chevaux, à deux reprises au moins. Elle a tout d’abord perdu 5,5 milliards investis dans Archegos, fonds spéculatif qui plaçait l’argent des grandes institutions financières dans des produits dérivés. Le Crédit Suisse a joué avec l’opacité de ce fonds et a perdu. Autre perte gigantesque, la faillite de l’anglais Greensill capital. 10 milliards se sont envolés.
À force de perdre des investissements et de payer des amendes, on comprend que la solvabilité du Crédit Suisse était mal en point. Quelques points de plus sur les taux d’intérêts, un accès moins facile aux financements. Le fragile équilibre a été rompu, le Crédit Suisse s’est effondré. À qui le tour ?
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