En dehors des conséquences dramatiques pour la population ukrainienne actuellement sous le feu des bombes russes, la guerre qui se déroule aux portes de l’Union européenne aura, et a déjà, des répercussions sur la stabilité économique mondiale. En France, plus spécifiquement, l’allocution du président Macron au soir du 2 mars 2022 a rappelé s’il en était besoin que les temps allaient être difficiles pour les semaines, les mois, voire les années à venir. Certes, notre pays n’est pas directement en guerre, mais nous allons tout de même être frappés par un certain nombre de calamités économiques qui vont fortement ébranler l’épargne et le pouvoir d’achat des Français.

Toutes ces conséquences n’ont pas la même origine ; certaines sont directement liées au conflit qui se déroule en Ukraine, d’autres résultent des sanctions prises à l’encontre de la Russie, et d’autres enfin découlent de l’instabilité des marchés financiers, déjà fortement malmenés par la crise sanitaire, et qui voient dans cette nouvelle crise majeure internationale une source potentielle de graves bouleversements à venir.

Comment le conflit en Ukraine menace-t-il directement le budget des ménages français ?

L’Ukraine est un grand pays, plus étendu que la France métropolitaine, et riche de ressources naturelles dont l’importance est cruciale pour notre économie mondialisée. On pourrait évoquer le fer ou encore l’uranium très présents dans le sol ukrainien, mais la première richesse du pays réside dans son agriculture. En effet, le pays est un gros exportateur de produits agricoles comme le blé, le tournesol ou encore la betterave sucrière.

sources : Aequo, Crédit Agricole et Bakertilly pour latifundist.com

D’ailleurs la convoitise de Vladimir Poutine est en partie alimentée par cette richesse car la Russie a fait de sa production céréalière, et en partie de son blé, une véritable arme d’influence mondiale. En annexant la production ukrainienne, les Russes contrôleraient ainsi au total un tiers des exportations de blé de la planète. Aujourd’hui, la plupart des pays, à commencer par la France, sont fortement dépendants de cette production, d’autant plus que le blé et les autres céréales entrent massivement dans la composition d’une grosse partie de notre production agro-alimentaire. Évidemment, on pense symboliquement au pain et aux pâtes alimentaires, mais le blé (comme le tournesol d’ailleurs) est quasiment partout, qu’il s’agisse de l’alimentation des individus comme celle des animaux.

Ainsi, avec l’arrêt des exportations en provenance d’Ukraine, mais aussi de Russie, le cours des céréales a brutalement augmenté. Notons qu’une hausse des prix était attendue depuis quelques mois, en raison notamment de la sécheresse qui a frappé la Russie l’an dernier, entraînant une très mauvaise récolte pour la saison 2021/2022. Mais dans le même temps, la production ukrainienne a progressé de 10%, ce qui promettait une hausse des cours somme toute assez modérée. Avec la guerre, et donc les fortes incertitudes quant à la reprise normale des exportation russes et ukrainiennes pour les prochaines années, les céréales connaissent désormais une flambée historique, encaissant déjà entre 7 et 10% d’augmentation en quelques jours. Une hausse qui ne fait que commencer.

source : terre-net.fr

Conséquence directe pour le porte-monnaie des Français, les produits alimentaires vont fortement augmenter eux-aussi, non seulement ceux à base de céréales (et on l’a dit, elles sont quasiment partout), mais aussi la viande puisque les animaux d’élevage sont nourris en grande partie par des farines à base de blé ou de maïs par exemple. Sans oublier l’huile de tournesol, majoritairement importée d’Ukraine et qui pourrait donc voir son prix exploser lui aussi.

Pourquoi les sanctions prises contre la Russie vont entraîner la baisse de notre pouvoir d’achat ?

Dès les premières attaques russes, les sanctions économiques et financières de la communauté internationale se sont multipliées. Ainsi, la Russie est peu à peu coupée du marché interbancaire mondial, ce qui complique encore davantage ses activités de commerce extérieur. Mais c’est surtout l’embargo progressif dont est désormais frappé le pays qui devrait nous impacter plus directement.

En effet, outre la production céréalière qu’on a évoquée plus haut, près de 25% de la totalité des engrais importés en Europe proviennent de Russie. Quand on sait combien la surexploitation et le manque de variétés cultivées a pu appauvri les sols depuis quelques décennies, on comprend l’importance vitale de ces suppléments pour la bonne santé de notre filière agricole. Une pénurie accompagnée d’une hausse des prix des engrais viendrait là encore rajouter un surcoût à toute la production ; une augmentation qui se retrouverait immanquablement reportée dans les rayons des magasins auprès des consommateurs.

Enfin, la Russie est le deuxième exportateur de pétrole brut au monde et représente plus de 40% des importations annuelles de gaz naturel de l’Union européenne. Certes, on n’a pas encore réellement bloqué les exportations russes (même si Joe Biden n’exclut pas une prochaine interdiction des importation de pétrole russe au USA), mais ce conflit intervient alors que les prix du brut augmentaient déjà fortement depuis quelque temps, en raison notamment de la forte reprise économique après deux longues années marquées par des restrictions sanitaires liées à la Covid-19. En ajoutant une tension supplémentaire sur l’approvisionnement en produits pétroliers, ce conflit constitue un risque majeur d’explosion des cours dont les répercussions viendront immanquablement frapper les consommateurs Européens, et en particulier Français.

Car l’augmentation du prix du pétrole ne va pas seulement se répercuter à la pompe quand on fera le plein d’essence, mais dans à peu près tous les secteurs de notre consommation. Par exemple, le prix de tout ce que nous achetons intègre le coût du transport, que ce soit entre fabricant et grossiste, puis grossiste et détaillant dans les cas les plus simples. Une hausse du prix des carburants se traduit donc automatiquement par une hausse des prix à la consommation. Il en va de même pour l’énergie utilisée dans les usines, de celle permettant de nous chauffer, de produire de l’électricité, etc. En gros, on estime que la hausse du pétrole intervient déjà à plus de 50% dans l’inflation qui ne cesse de croître depuis le début de l’année 2022. Nul doute que l’ostracisation économique et commerciale de la Russie ne va qu’amplifier cette tendance et porter directement atteinte à notre pouvoir d’achat.

L’épargne des Français mise à mal par des marchés financiers « en guerre »

Comme tous les bouleversements majeurs susceptibles d’avoir une influence sur tout ou partie de la planète économique, une guerre comme celle qui est actuellement menée par la Russie en Ukraine peut influencer durablement les marchés financiers et les faire flancher en dépit d’une croissance et d’une activité encore favorables. Et c’est précisément ce qui est en train de se passer : alors que la croissance repartait en flèche après deux ans de pandémie, entraînant d’ailleurs avec elle une inflation qui était espérée de longue date (mais peut-être pas non plus à ce niveau), et que les places boursières du monde entier explosaient des records historiques, le spectre de la guerre est venu brusquement étendre son ombre sinistre sur l’optimisme des investisseurs.

La première conséquence visible a donc été une contraction brutale des principaux indices, à commencer par le CAC40 qui est ainsi passé d’environ 7000 points à 6000 en moins de 2 semaines. Dans son sillage, ce sont la plupart des valeurs parisiennes qui ont perdu du terrain, mettant à mal l’épargne d’un grand nombre de Français qui avaient fini par se laisser convaincre de l’intérêt d’investir en bourse. Dans le même temps, l’assurance-vie, qu’on dit être le « placement préféré des Français » finissait justement elle aussi d’amorcer sa reconversion pour privilégier les unités de compte (comprendre ici les valeurs boursières). Environ 2000 milliards d’euros qui sont alors tout-à-coup menacés de disparaître dans un éventuel krach financier. Car, à la différence des fonds en euros qui constituaient l’essentiel des contrats d’assurance-vie il y a encore quelques années, les unités de comptes n’offrent aucune garantie sur le capital investi…

Cours du CAC40

Source : Les Echos
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Enfin, on a vu que ce conflit allait avoir de fortes retombées sur le pouvoir d’achat des Français, ce qui devrait se traduire également par un changement dans le comportement des épargnants. Moins optimistes, ceux-ci pourraient être amenés à renoncer à prendre des risques, et viser la sécurité au détriment de la performance. On a vu ce que cela avait donné au plus fort de la pandémie : près de la moitié de l’épargne des Français avaient été mobilisée sur des comptes courants ou des livrets réglementés, aux rendements purement symboliques voire carrément nuls. Avec l’inflation qui revient en force, et qui risque encore de s’aggraver comme on l’a vu plus haut, un tel comportement aboutirait à placer son argent à un taux réel négatif, et donc à faire disparaître son épargne jour après jour.


Bruno GONZALVEZ

Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.