Avec la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) le 10 mars dernier, et le branle-le-bas de combat que cela a suscité en un petit week-end à peine auprès de la majorité des institutions politiques et financière de la planète, le monde semble redécouvrir une fois de plus à quel point le système bancaire international n’est rien d’autre qu’un colosse aux pieds d’argile, dont la fragilité est irrémédiablement inscrite dans sa nature-même. Car au-delà de l’objet très spécifique des activités de la SVB, qui ne concernent finalement « que » le financement des start-ups de la nouvelle économie, c’est toute la vulnérabilité des banques au sens large qui se révèle une fois encore.
Petit décryptage à chaud pour faire le point.
Trois banques fermées en moins d’une semaine
Après une année 2022 très compliquée pour les entreprises travaillant dans le domaine des crypto-actifs, et pour les fintech en général, ponctuée de faillites plus ou moins retentissantes au nombre desquelles celle de FTX en novembre dernier est apparue pour certains comme le dernier clou fermant le cercueil de ce nouveau secteur pourtant prometteur, l’année 2023 semblait donner des signes d’un redémarrage, poussif certes, mais régulier, qui ramenait peu à peu la confiance chez les investisseurs. Hélas ! On n’aura pas dû attendre bien longtemps pour qu’un vent de panique vienne de nouveau souffler sur ce château de cartes instable.
En quelques jours seulement, ce sont pas moins de trois acteurs majeurs du financement des entreprises de la tech qui ont purement et simplement fermé leurs portes. On parle bien évidemment de la Silicon Valley Bank, 16e banque des Etats-Unis en termes de capital (l’équivalent quand même de notre Société Générale), mais également de la Silvergate Bank, plus petite mais très connue pour être l’un des principaux garants du milieu des cryptomonnaies. Sans oublier la banque Signature qui a été fermée par le régulateur américain en raison d’une « exception de risque systémique » ; sous-entendu, pour éviter la même panique qu’avec la SVB.
Mais de quelle panique parle-t-on au juste ?
The fallout from Silicon Valley Bank’s spectacular collapse continues to play out across the globe.
— Bloomberg Opinion (@opinion) March 13, 2023
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Autopsie d’un bank run classique
Tout a commencé le mercredi 8 mars lorsque la SVB, à court de trésorerie en partie à cause de la hausse des taux d’intérêts décidée par la Réserve fédérale américaine (Fed), s’est vue contrainte de liquider en urgence une bonne partie de son portefeuille d’obligations américaines, perdant au passage la bagatelle d’1,8 milliard de dollars en raison de conditions de revente peu favorables. Comme si cela ne suffisait pas, la banque a également annoncé avoir tenté une augmentation de capital pour se renflouer à hauteur de 2,25 milliards de dollars. Tentative qui a échoué.
Il n’en fallait pas davantage pour que l’action de la banque s’effondre de 60% dès le lendemain et qu’un grand nombre de ses clients décident de retirer leurs fonds en catastrophe.
La suite de l’histoire est malheureusement tristement banale et pourrait se résumer en deux mots : bank run. Pour la seule journée du vendredi 10 mars, pas moins de 42 milliards de dollars ont été ainsi retirés par les clients de la Silicon Valley Bank, explosant littéralement ses capacités de remboursement ainsi que la valeur des actifs qu’elle détenait.
Une faillite révélatrice de la fragilité structurelle du secteur bancaire
Et c’est là, justement, que le bât blesse. C’est précisément sur ce point que la banque traditionnelle est devenue structurellement incapable de jouer son rôle protecteur auprès des déposants.
Tant que la banque est en bonne santé, tout se passe bien et les clients n’ont aucune raison de se précipiter en masse pour tenter de récupérer leur argent. Les quelques demandes de retrait qui surviennent de temps en temps sont largement couvertes par les fonds propres de la banque, et globalement la perte de liquidités enregistrée momentanément est alors répartie sur la globalité des comptes, sans que personne ne s’en aperçoive.
Mais lorsque la banque se retrouve en difficulté, au point que la majorité de ses clients décide de s’en aller, alors l’insolvabilité structurelle du système apparaît. Car dans les faits, et dans le meilleur des cas, les banques ne disposent en réalité que d’environ 10 à 15% des fonds confiés par leurs clients. Tout le reste est en général investi à plus ou moins long terme sur les marchés, bloqué dans des jeux de transactions et de compensations complexes entre établissements financiers, ou tout simplement inexistant parce que virtuel et constitué uniquement de lignes de crédit.
Une insolvabilité assumée à l’origine des plus grandes crises
Au final, les clients des banques acquièrent surtout le droit de dépenser une certaine quantité de monnaie virtuelle auprès des autres acteurs économiques qui sont soumis au même régime, mais en aucun cas ces mêmes clients ne sont censés pouvoir retirer l’intégralité du capital déposé, au risque de faire s’effondrer tout le système.
L’ennui, c’est que ce problème est connu de longue date, et qu’il est même à l’origine des plus graves crises économiques et financières des cent dernières années. C’est par exemple ce qui a causé la faillite du système bancaire en 2008 à la suite de la crise des subprimes (la faillite de la SVB est d’ailleurs la 2e plus grave de l’histoire après celle de Lehman Brother).
Mais non, visiblement, la leçon n’a pas été apprise.
Notons au passage que l’indisponibilité de l’épargne n’est pas une fatalité pour celui qui sait dans quels actifs convertir son patrimoine. Par exemple, si vous achetez de l’or par l’intermédiaire de VeraCash, 100% de la valeur ainsi épargnée reste disponible en permanence.
Les autorités s’engagent à protéger un système bancaire… qui n’est pas menacé
Pour en revenir à la SVB, les autorités américaines, mais aussi celles des autres pays du monde, se sont bien évidemment émues d’une possible réaction en chaîne au sein de l’appareil financier international. Première sur le pont, la FED (qui n’est d’ailleurs pas totalement étrangère aux difficultés rencontrées par la SVB) s’est engagée à prêter les fonds nécessaires aux autres banques qui pourraient avoir été affectés par la faillite des trois établissements financiers spécialisés dans la tech, ceci dans le but d’aider celles qui en auraient besoin pour honorer les demandes de retraits de leurs clients. Ces mesures, et d’autres dispositifs de protection en cours d’élaboration, ont été prises avec le soutien et le concours de la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, et de l’Agence de garantie des dépôts (FDIC), après consultation avec le président américain Joe Biden.
Une manière d’indiquer que le problème est pris au sérieux. Trop tard pour la SVB, certes, mais il est aujourd’hui essentiel de montrer que tout l’appareil politique et financier s’engage à empêcher que le mal se propage. Dans le même genre, plusieurs gouvernement ont investi les plateaux télé, les antennes radio et les rédactions de journaux pour assurer que tout était sous contrôle et qu’aucune alerte spécifique sur leur réseau bancaire national n’avait été activée. Ainsi, le ministre de l’Économie française Bruno Le Maire a affirmé aux journalistes de France Info que les banques françaises étaient solides, dotées d’un ratio de liquidités élevé et qu’il ne voyait donc pas « de risque de contagion« . On est donc rassuré, même si la dernière fois que le gouvernement nous avait assuré qu’il n’y avait aucun risque de contagion pour la France, c’était en janvier 2020, pour la COVID…
Même détermination en Allemagne, où on confirme que les problèmes rencontrés par la banque SVB concernent surtout les entreprises de la tech américaine et ne représentent « pas une menace pour la stabilité financière » outre-rhinoise. On notera quand même que l’organe de supervision bancaire allemand BaFin a ordonné le gel des activités de la succursale allemande de SVB en raison « du risque pesant sur l’exécution des obligations envers ses créanciers« .
Enfin, le gouvernement et les autorités de régulation de Grande-Bretagne se distinguent en ayant autorisé ce lundi le rachat immédiat de la filiale britannique de SVB par HSBC au prix de… une livre sterling ! Ceci afin, bien évidemment, de permettre la poursuite des activités de la Silicon Valley Bank Ltd au Royaume Uni, mais cela reste quand même une bonne affaire pour HSBC puisque la filiale anglaise de la banque américaine disposait d’environ 6,7 milliards de livres en comptes de dépôt, 5,5 milliards de livres de prêts en circulation, et quelque 1,4 milliard de livres de fonds propres.
Les clients des banques sont toujours les grands perdants
Au final, on est tenté de voir dans cette malheureuse histoire de faillite une réédition des événements qui ont pu, par le passé, constituer les déclencheurs de crises financières et économiques majeures. On ne peut également que constater que rien n’a vraiment changé au fil des années, en dépit de tous les discours qui se voulaient rassurants sur le renforcement des règles prudentielles censées s’appliquer aux banques. On voit encore aujourd’hui que le rôle des institutions se résume toujours à éteindre les incendies au lieu de les prévenir, mais aussi que les épargnants et les investisseurs sont toujours les perdants en cas de faillite bancaire : les dépôts à la SVB sont peut-être couverts à hauteur de 250 000 dollars par client, mais la plupart d’entre eux étaient des sociétés de capital-risque et disposaient de plusieurs millions, voire dizaines de millions, sur leurs comptes. Ce qui représente environ 96 % des dépôts logés chez SVB qui ne seraient pas garantis, en dépit des 25 milliards de dollars débloqués par la Fed qui ne représentent pas grand chose face aux quelques 209 milliards de dollars d’actifs et 175 milliards de dollars de dépôts gérés par la SVB.
Peut-être que le système bancaire international se relèvera facilement de cette histoire, mais il est probable en revanche que l’innovation et la recherche dans les bio-technologies notamment (l’un des plus gros secteurs financés par la SVB) subissent, si ce n’est un coup d’arrêt brutal, tout au moins un retard des plus préjudiciables.
Pour aller plus loin
Découvrez ou redécouvrez notre épisode de BANKO! consacré au bank run, le phénomène de panique bancaire déjà observé en Grèce lors de la crise de 2008.
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.