L’inflation : tandis que certains se réjouissent de la voir revenir, d’autres s’inquiètent d’une future hausse des prix incontrôlable. Quel que soit le scénario envisagé par les analystes, il n’en reste pas moins que l’inflation est de retour, et qu’après des années de stagnation au cours desquelles l’économie mondiale a lutté pour éviter la récession, elle semble s’être installée pour un moment. Une situation qui pourrait d’ailleurs profiter au cours de l’or en 2021, valeur refuge par excellence à racheter sans attendre pour mieux se prémunir des effets de cette inflation.

Un retour de l’inflation plutôt brutal

L’inflation est due à la perte de valeur de la monnaie face aux biens et services contre lesquels elle s’échange. Et cette perte de valeur est principalement liée à la confiance des agents économiques à l’égard de la monnaie, puisque sa valeur est aujourd’hui exclusivement basée sur le crédit… et donc sur la confiance ! Lorsqu’il y a de l’inflation, elle touche généralement tous les secteurs de l’économie, tous ses acteurs aussi, et la hausse des prix à la consommation en est davantage une conséquence qu’une cause.

Depuis que l’économie est mondialisée, l’inflation américaine constitue un indice essentiel que scrutent tous les analystes pour déterminer l’évolution possible des marchés à moyen terme. Car les États-Unis occupent la première place dans l’économie mondiale. Or, justement, l’inflation aux USA vient d’atteindre des sommets qu’on n’avait plus vus depuis la crise de 2008. Et la tendance ne semble pas près de s’inverser puisqu’on estime que l’accélération actuelle de l’inflation est la plus rapide depuis 1982 !

L’effet protecteur de l’or face à l’inflation

Quant à l’or, il a toujours servi de garantie face à l’inflation car il a tendance à conserver sa valeur en période de turbulences économiques ou financières. Plus exactement, l’or est ce qu’on appelle une valeur refuge, c’est-à-dire un actif qui garde sa valeur intrinsèque en dépit des mouvements à la hausse ou à la baisse des monnaies par exemple. Ainsi, en théorie, peu importe l’évolution des prix exprimés en devises, on pourra toujours acheter la même quantité de biens avec la même quantité d’or.

Tous les professionnels de la finance s’accordent d’ailleurs à dire qu’il est prudent d’avoir toujours 5 à 10% de son patrimoine sous forme d’or, histoire de se constituer une sorte d’assurance contre les retournements brutaux de marchés. Une proportion qui pourra légèrement augmenter en période d’instabilité économique ou encore d’inflation.

Une inflation mécanique qui était attendue à court terme

Certains secteurs économiques historiquement puissants, tels que l’aéronautique, le tourisme ou encore l’industrie automobile, sortent très affaiblis de la crise liée à la pandémie mondiale de Covid-19. Des secteurs qui pèsent très lourd dans l’économie et dont l’effondrement brutal a entraîné (momentanément) une baisse des marchés à partir du premier trimestre 2020. Car, outre leur activité propre, ce sont aussi les plus gros consommateurs de matières premières et de biens industriels, dont les producteurs ont vu disparaître leurs principaux clients du jour au lendemain. 

2020 fut aussi une année de restrictions, de confinements et de limitations qui ont fortement ralenti les activités commerciales, incitant un grand nombre de gouvernements à injecter d’énormes quantités de monnaie pour soutenir l’économie.

Par exemple, commerçants et consommateurs ont pu bénéficier durant la crise sanitaire de mesures budgétaires fortes destinées à préserver à la fois la survie économique des uns et le pouvoir d’achat à venir des autres. Qu’il s’agisse du financement du chômage partiel ou des prêts garantis par l’État notamment, toutes ces liquidités sont venues s’ajouter à celles déjà pléthoriques nées des crédits à taux très faibles de ces trois ou quatre dernières années. Or, on sait qu’il existe généralement un lien étroit entre niveau élevé de liquidités et augmentation de l’inflation à court terme.

En clair, une phase de rebond était inévitable après une telle crise sanitaire et économique, et l’inflation était donc attendue. Toutefois, d’autres facteurs semblent désormais indiquer que cette inflation pourrait bien n’être ni aussi brève ni aussi modérée que ce qu’on aurait pu espérer.

Les raisons d’une inflation durable

Un certain nombre d’éléments conjoncturels mais aussi structurels mettent en évidence une tendance forte de l’inflation à long terme :

L’augmentation durable des prix à la consommation

Même si l’augmentation des prix n’est pas à proprement parler une cause d’inflation (elle en est plutôt une conséquence), elle peut en revanche l’entretenir. Ainsi, l’effondrement du prix des matières premières, et notamment du pétrole, au début de la crise Covid, a été rapidement suivi d’une très forte hausse qui se poursuit encore aujourd’hui, renchérissant d’autant plus le prix des produits manufacturés et des services.

De la même façon, il faut savoir que les loyers constituent un tiers de l’indice des prix à la consommation aux USA, contrairement à la France où ils n’en représentent que 6%. Or, depuis le début de la crise de la Covid, les augmentations de loyer sont bloquées et les expulsions sont interdites. Mais avec la sortie de crise qui s’annonce, et donc la levée des restrictions, on peut s’attendre à une hausse sensible des loyers, d’autant plus que les prix de l’immobilier ont quant à eux progressé de 16% depuis début 2020. L’indice des prix à la consommation américain risque donc d’augmenter à son tour de manière significative.

L’impact économique de plus en plus visible du réchauffement climatique

Plusieurs incidents climatiques majeurs survenus au cours des 18 derniers mois ont fait exploser le cours de certains produits agricoles à l’échelle mondiale. En effet, 2020 a été l’une des trois années les plus chaudes jamais observées, entraînant par exemple une forte sécheresse en Amérique du Sud, avec plusieurs milliards de dollars de pertes agricoles et un déficit qu’on mettra plusieurs années à résorber. On peut également évoquer de graves inondations en Afrique et en Asie, mais aussi des incendies aux États-Unis, et un nombre record de cyclones dont certains, comme en Inde et au Bangladesh, ont causé là encore plusieurs milliards de dollars de pertes économiques.

Le coût de la transition énergétique

De leur côté, les politiques de transition énergétique sont également très inflationnistes. En raison de la plus faible densité énergétique des énergies renouvelables par rapport aux énergies fossiles, une installation solaire ou éolienne par exemple va nécessiter des investissements beaucoup plus importants qu’une centrale thermique pour capter la même quantité d’énergie. De la même façon, les énergies renouvelables sont très difficilement stockables et ne peuvent pas être produites en continu : il faut donc prévoir des solutions de repli pour maintenir une disponibilité constante de l’énergie, en particulier pour le réseau électrique. Ce qui amène parfois à des situations aberrantes comme avec l’Allemagne qui a dû conserver l’essentiel de ses installations classiques (gaz, charbon, pétrole) pour pallier l’inconstance de ses installations « propres ». Avec pour conséquence un prix de l’électricité deux fois plus élevé qu’en France, alors même que l’électricité française a augmenté de 50% en 10 ans.

Tous ces facteurs qui caractérisent un changement de fond aussi bien industriel que social ou économique ne laissent guère de doute sur l’augmentation durable des coûts de production, lesquels vont à leur tour influer lourdement sur les prix et les salaires dans les années à venir. L’inflation risque donc de se maintenir à la hausse pour un bon moment, sauf si les instances monétaires parviennent à la juguler. Ce qui est loin d’être gagné.

Les limites de l’action des banques centrales

Depuis quelques années, on entend dire que le rôle des banques centrales est de contrôler l’inflation. En réalité, qu’il s’agisse de la Banque centrale européenne (BCE), de la Réserve fédérale américaine (FED) ou de n’importe quelle autre banque centrale, elles ne peuvent que subir l’inflation (qui est un indice psychologique, rappelons-le), et réagir en conséquence pour tenter de préserver l’équilibre entre croissance et emballement non maîtrisé.

Comme pour l’inflation, les États-Unis donnent le ton au niveau mondial en matière de taux directeurs. Le taux d’intérêt le plus important est donc celui fixé par la Réserve fédérale, laquelle fait alors en quelque sorte office d’arbitre des marchés mondiaux. Ainsi, face à l’inflation qui grimpe aux États-Unis, la FED est tentée d’augmenter son taux directeur pour conserver une bonne rentabilité à ses obligations (le taux réel). Car on sait que l’augmentation de ce taux réel fait mécaniquement baisser l’inflation, ou en tout cas la maintient à un niveau raisonnable.

Sauf que la FED ne peut pas remonter ses taux indéfiniment, en grande partie parce que l’endettement des États est aujourd’hui tellement élevé (favorisé ces 5 dernières années par les taux obligataires nuls ou négatifs) qu’ils risquent la faillite pure et simple en cas de remontée durable des taux longs.

Quelles conséquences pour le cours de l’or ?

Une fois qu’on a évoqué tous ces mécanismes liés à l’inflation, comment tout cela peut-il influer sur les cours de l’or ? Et surtout, pourquoi en déduire que ce sera favorable au métal précieux ? 

En fait, le comportement des investisseurs est assez simple : toujours privilégier le meilleur placement à la fois en termes de rendement et de sécurité, ce qui favorise par exemple les valeurs refuge comme l’immobilier et les métaux précieux en cas de crise sur les marchés boursiers. Les obligations sont également prisées lorsque les actions sont à la peine, mais la politique de taux négatifs mise en place ces dernières années a renforcé l’attrait pour l’or qui, certes, ne produit pas d’intérêt, mais reste toujours plus intéressant qu’un produit qui fait perdre de l’argent.

C’est ce qui s’est passé au premier semestre 2020 à cause de la pandémie mondiale, et qui explique la très forte hausse du cours de l’or jusqu’à atteindre des records en août 2020. Depuis, le cours de l’or s’est progressivement tassé car les marchés sont redevenus optimistes après la sortie des premiers vaccins contre la Covid-19. Néanmoins, l’inflation qui repart à la hausse ravive les inquiétudes, et les regards se tournent vers la Réserve fédérale américaine afin qu’elle joue sur ses taux directeurs. Mais on l’a vu, son action ne pourra être que limitée et l’inflation devrait donc se poursuivre, suscitant une inquiétude grandissante de la part des investisseurs… qui privilégieront alors les réserves de valeur telles que l’or.

En fait, si les taux longs arrêtent d’augmenter mais que l’inflation continue à progresser, on a vu que le rendement réel obligataire (la différence entre le taux d’intérêt de l’obligation et l’inflation) aura du mal à ne pas baisser, voire à ne pas plonger durablement en territoire négatif. Des cabinets d’experts en investissement ont calculé que le cours de l’or amplifiait négativement les mouvements des taux obligataires d’un facteur de 25 à 30 pour 1. En clair, cela signifie qu’une variation de 1% des taux réels obligataires entraîne une variation d’au moins 25% du cours de l’or dans l’autre sens.

Par conséquent, si l’inflation devait encore gagner 1 % d’ici la fin de l’année, amputant d’autant le rendement des obligations, alors le cours de l’or pourrait bien afficher une performance de 25% par rapport à son niveau actuel, ce qui l’amènerait éventuellement à tutoyer les 2500 dollars l’once.


Bruno GONZALVEZ

Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.