Alors que la demande en argent métallique reste soutenue, que ce soit dans l’industrie, la bijouterie ou même de la part des investisseurs friands de pièces et de lingots, l’offre quant à elle menace de se faire de plus en plus rare. Au point d’imaginer de possibles répercussions sur le cours du métal précieux ?
Sommaire
- Qu’est-ce qui menace les mines d’argent au Mexique ?
- Quel est l’état de la demande d’argent métallique ?
- Le cours de l’argent va-t-il augmenter ?
- La fermeture éventuelle de certaines mines peut-elle avoir une influence sur le cours de l’argent ?
- Comment le cours de l’argent pourrait-il évoluer de manière réaliste ?
Même si aujourd’hui, on est capable de le recycler, une grande partie de l’argent utilisé dans l’industrie ou encore la chimie disparaît purement et simplement lorsqu’il fait office de catalyseur ou qu’il se combine à d’autres éléments pour servir de réactif. Dans le même temps, de nombreux gisements s’épuisent un peu partout sur la planète et de plus en plus d’exploitations minières ferment purement et simplement.
C’est par exemple ce qui est en train de se passer au Mexique, là où se concentrent justement certains des plus gros gisements d’argent au monde.
Une exploitation minière devenue peu rentable
On parle ainsi d’une cessation d’activité possible pour la plus grande mine du Mexique (et la deuxième plus grosse au monde), après une année marquée par plusieurs interruptions. Et d’autres mines du pays pourraient suivre le mouvement.
En réalité, si les plus importantes mines d’argent mexicaines menacent de fermer, c’est surtout à cause de l’augmentation considérable des coûts d’extraction de ces dernières années. Revendications salariales, augmentation du prix des services miniers ainsi que du coût de traitement du minerai, hausse du carburant et de l’énergie, politique monétaire du pays, autant de raisons qui poussent les exploitants à fermer leurs mines, lesquelles ne sont désormais plus rentables au cours actuel de l’argent.
Car c’est là que le bât blesse. Malgré une production qui ne parvient plus à retrouver ses niveaux d’avant-Covid, et une demande toujours aussi forte, les prix de l’once d’argent n’évoluent pourtant pas autant qu’ils le devraient. Surtout si on les compare à ceux de l’or, auquel le métal blanc reste malgré tout et indéfectiblement lié en tant que valeur refuge monétaire.
Si on se réfère au ratio historique entre les deux métaux précieux, qui s’est toujours plus ou moins situé aux alentours d’une once d’or pour 15 à 16 onces d’argent (ce qui correspond d’ailleurs à leur répartition naturelle dans la croûte terrestre), et compte tenu du cours actuel de l’or, une once d’argent devrait valoir aujourd’hui entre 125 et 135 dollars. Certains experts considèrent même que le vrai prix devrait se situer autour des 300 à 400 dollars, précisément en raison de la pénurie qui s’installe.
Sauf que l’once se négocie en réalité aujourd’hui à un peu moins de 27 dollars…
La demande en argent se renforce
Indépendamment des raisons qui expliqueraient cette anomalie, on peut dès lors légitimement se demander si ce prix de l’argent beaucoup trop bas pourrait éventuellement évoluer vers des niveaux finalement plus en accord avec la réalité, en particulier suite à la fermeture possible de certaines des plus grosses mines du monde.
C’est en effet une probabilité non négligeable à laquelle certains semblent déjà se préparer en augmentant leur demande d’argent d’investissement notamment. Ainsi, selon le Silver Institute, « la forte demande de lingots et de pièces d’argent a fait grimper la demande d’investissement physique de 8% pour atteindre son plus haut niveau en quatre ans« . Et on note d’ailleurs une tendance similaire auprès des industriels et des joailliers dont la production n’a jamais été aussi forte, malgré la perte de vitesse de la Chine dans ces différents domaines.
Le cours de l’argent va-t-il augmenter ?
La première chose à prendre en considération, c’est le cours de l’or. En effet, l’argent a beau s’être éloigné de la valeur théorique qu’il représente réellement par rapport à l’or, il n’en reste pas moins intrinsèquement attaché à l’évolution du cours de son grand frère doré. Certes, il est plus volatil et ses fluctuations de cours sont plus intenses, mais au final, quand le prix de l’once d’or monte, celui de l’once d’argent aussi, et vice-versa.
Actuellement, l’or est sur une dynamique haussière, qui malgré une petite correction récente, devrait redémarrer à la faveur des incertitudes qui planent sur l’économie mondiale en prise avec une inflation récalcitrante, des taux d’intérêt difficiles à baisser et un climat géopolitique des plus explosifs. On peut s’attendre à ce que l’argent suive la tendance, même s’il est difficile d’estimer l’ampleur du phénomène.
Mais si on devait simplement se calquer sur l’évolution annuelle moyenne du cours de l’or sur les 50 dernières années, alors on peut imaginer que l’argent gagnera entre 2 et 3 dollars l’once d’ici la fin 2024, retrouvant donc son niveau record aux alentours des 30 dollars.
La fermeture éventuelle de certaines mines peut-elle avoir une influence sur le cours de l’argent ?
Pour en revenir au sujet principal de cet article, une autre source possible d’augmentation réside donc dans la baisse de l’offre de métal, suite à la fermeture éventuelle des grandes mines mexicaines. Selon les derniers chiffres publiés par le Silver Institute, le Mexique est le premier pays producteur d’argent de la planète, avec près de 200 millions d’onces en 2022, soit quasiment le quart de la production mondiale.
A elle seule, la mine de Peñasquito (menacée de fermeture pour des raisons économiques) a produit 865 tonnes d’argent en 2022, soit 7,5% de la production mexicaine. Et dans le cas (très improbable !) où les trois autres plus grosses mines du pays devaient fermer également, à savoir San Juliàn (443 tonnes en 2022), Fresnillo (423 tonnes en 2022) et Saucito (373 tonnes en 2022), on arriverait à 20% de la production minière du Mexique, soit 5% de la production mondiale.
Si la hausse du cours de l’argent devait être proportionnelle à la baisse de quantité disponible suite à l’arrêt éventuel de ces exploitations, alors on serait aux alentours d’un dollar supplémentaire par once de métal.
Une réalité plus complexe
Bien sûr, la fixation des cours ne fonctionne pas ainsi, et il y a au moins autant de facteurs psychologiques ou liés à la complexité des marchés que de motifs strictement quantitatifs qui font varier le prix de l’argent, comme d’ailleurs de n’importe quel autre actif.
Néanmoins, tous semble indiquer que l’on se trouve à la veille d’une hausse du cours de l’argent, qu’elle soit due à un regain d’appétit des investisseurs pour les valeurs refuges, à l’augmentation de l’activité des industries spécialisées dans l’énergie verte ou les nouvelles technologies (connues comme étant gourmandes en métal blanc), à la baisse de la production des exploitations minières… voire un savant mélange de tout ça.
Par conséquent, on peut imaginer que la fermeture de certaines des plus grosses mines d’argent du Mexique est susceptible d’influer sur le cours du métal, mais l’impact devrait être modéré, venant surtout en complément de mouvements de fond plus importants, à la fois conjoncturels et mécaniques, qui pourraient porter l’once d’argent au-delà des 30 dollars l’once d’ici la fin de l’année.
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.