La récente faillite de la plateforme d’échanges FTX semble avoir été le point d’orgue d’une année 2022 catastrophique pour les actifs numériques. Au point que beaucoup considèrent aujourd’hui que cet évènement annonce l’effondrement prochain de tout l’écosystème des cryptos. Voici pourquoi il n’en est rien.
La chute de FTX : rappel des faits
Contrôlée par le jeune et ambitieux Sam Bankman-Fried (surnommé « SBF » par les médias spécialisés), la société américaine FTX était encore récemment la deuxième plus grosse plateforme d’échange de “crypto-monnaies”, juste après Binance. Pourtant, en novembre dernier, cet acteur jusqu’ici incontournable de la sphère crypto a fait faillite en quelques jours suite à des révélations concernant ses liens avec Alameda Research, un fonds d’investissement dirigé par nulle autre que la compagne de SBF lui-même, lequel utilisait cette structure pour financer un certain nombre de dépenses difficilement justifiables : plusieurs milliards de dollars de prêts consentis sans garantie aux dirigeants de FTX, achat illégal d’une banque en vue de blanchir de l’argent, acquisition de biens immobiliers personnels, dons de plusieurs millions de dollars aux Démocrates américains… mais aussi aux Républicains, histoire de s’assurer quelques soutiens politiques de tous les côtés.
Au total, au moins 10 milliards de dollars qui appartenaient aux clients de FTX, dont près de la moitié a probablement été irrémédiablement perdue !
Face à ces révélations, Binance qui détenait une grande part des tokens émis par FTX a cherché à s’en débarrasser, entraînant alors un mouvement de panique chez les investisseurs qui, à leur tour, ont voulu retirer leurs fonds, occasionnant finalement une crise de liquidités pour FTX qui n’avait bien évidemment plus ces fonds à disposition. FTX a bien tenté de freiner ce qu’il convient d’appeler un véritable bank-run numérique en bloquant purement et simplement les retraits, mais cela ne fit qu’aggraver la situation et précipiter la chute de la société en même temps que sa propre cryptomonnaie, le FTT perdait plus de 90% de sa valeur.
L’univers crypto est-il menacé ?
Alors forcément, c’est tout l’univers des crypto-actifs qui a été frappé de plein fouet par cette histoire désastreuse. Laquelle survient, de surcroît, au plus mauvais moment après une année 2022 catastrophique pour le Bitcoin et ses petits frères et sœurs.
La faillite de FTX a été directement suivie de celle de nombreuses autres sociétés du secteur, soit parce qu’elles étaient elles-mêmes investies en FTT, soit parce qu’elles n’ont pas su résister à la défection d’un grand nombre de clients effrayés par le tour que prenaient les évènements et qui ont tenté de sauver les meubles en récupérant leur mise
Mais cela ne signifie pas pour autant la mort des cryptos, comme le prophétisent déjà depuis un moment de nombreux « observateurs » dont le principal point commun semble résider dans le rejet (et souvent aussi l’ignorance) de tout ce qui sort du cadre de la finance traditionnelle. Car au final, la faillite de FTX est due à des malversations d’une banalité affligeante qui auraient pu frapper n’importe quelle grosse entreprise de n’importe quel autre secteur, à commencer justement par le secteur de la finance classique.
Détournements de fonds, abus de biens sociaux, blanchiment, financements occultes, pas besoin de travailler dans les crypto-actifs pour se livrer à ce genre de pratiques. Idem pour les arnaques au rendement sur fond de pyramides de Ponzi. Sauf erreur, Bernard Madoff ou Jho Low (l’homme d’affaires malaisien à l’origine d’une fraude internationale portant sur plusieurs milliards de dollars) ont perpétré leurs méfaits dans le domaine financier classique. Et que dire de Lehmann Brothers ainsi que de tous les organismes financiers qui furent à l’origine de la plus grave crise économique de ces cinquante dernières années, sinon qu’ils manipulaient des devises et des titres de marchés tout ce qu’il y a de plus commun.
Une option de diversification qui incite à la prudence
En réalité, l’histoire de FTX va sans doute accélérer la régulation des crypto-actifs, et permettre de renforcer le cadre législatif autour de cette nouvelle finance décentralisée. Bien sûr, cela ne se fera pas sans rogner plus ou moins durement sur certains principes fondateurs qui ont pu présider à la naissance des actifs numériques aux vocations ouvertement libertariennes, et nombreux sont ceux qui crieront au scandale. Mais la maturité passera immanquablement par un accroissement de la sécurité des usagers ainsi que par un contrôle plus étroit des acteurs de ce marché.
Et c’est aussi l’occasion de rappeler quelques principes élémentaires de prudence qui valent pour n’importe quel type de placement. Comme d’habitude, on ne dira jamais assez qu’il faut diversifier son patrimoine, et en dépit de leur extrême volatilité qui les rend particulièrement risqués, les crypto-actifs constituent toujours une option crédible, à condition de n’y consacrer qu’une part minime de son capital, cette fameuse part qu’on peut éventuellement perdre sans mettre en péril son équilibre financier. Et de la même façon, comme on le ferait avec n’importe quel autre support d’investissement, il est essentiel de bien connaître le domaine dans lequel on place son argent. En d’autres termes, quand on ne maîtrise pas (il ne suffit pas d’avoir vaguement entendu parler de Bitcoin…), on reste en-dehors, un point c’est tout.
Malgré toutes ces précautions, on n’est jamais à l’abri d’une entreprise défaillante, d’un financier véreux ou d’une conjoncture malheureuse entraînant un renversement économique majeur préjudiciable à ses intérêts. Mais là encore, n’importe quel secteur peut être touché par un scandale financier de grande ampleur, et le plus souvent ce sont des moyens parfaitement traditionnels, pour ne pas dire désuets, qui sont mis en œuvre. Pour rappel, le scandale de corruption relatif au Mondial de football 2022 au Qatar a impliqué de simples valises de billets, aussi archaïques qu’improbables !
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.