Votre téléphone vibre, un numéro inconnu s’affiche, mais l’appel s’interrompt avant que vous ne puissiez décrocher. Par réflexe ou par curiosité, vous rappelez. Erreur fatale : vous venez de tomber dans le piège du Wangiri, une arnaque téléphonique redoutable qui profite de notre propension à rappeler un appel manqué.
Ce stratagème n’est pas nouveau, mais il continue d’évoluer et de piéger des milliers de victimes chaque année en France et dans le monde. Et pour cause : les escrocs utilisent des techniques de plus en plus sophistiquées pour contourner les filtres des opérateurs et maximiser leurs gains.
Le Wangiri, comment ça marche ?
Une mécanique bien huilée
Le terme Wangiri vient du japonais et signifie littéralement « sonner et raccrocher« . Et c’est précisément le cœur du mécanisme : l’escroc déclenche un appel, mais coupe immédiatement la communication avant que le destinataire ne puisse répondre. L’objectif est simple : attiser la curiosité pour que la victime rappelle d’elle-même.
Voici comment se déroule cette arnaque en plusieurs étapes :
- Un appel très bref : le téléphone sonne une seule fois avant que l’appel ne s’interrompe.
- Un numéro inconnu : souvent un indicatif étranger (par exemple +216 pour la Tunisie, +225 pour la Côte d’Ivoire, +234 pour le Nigéria).
- Une victime qui rappelle : pensant être passée à côté d’un appel important.
- Un numéro surtaxé : qui facture la communication à un tarif prohibitif, pouvant atteindre plusieurs euros par minute.
- Un répondeur ou un faux serveur vocal : incitant la victime à rester en ligne le plus longtemps possible pour maximiser les frais.
Plus l’appel dure longtemps, plus la facture grimpe. Certains escrocs utilisent même des enregistrements sonores confus ou des silences pour prolonger la communication.
Pourquoi cette arnaque fonctionne encore aujourd’hui ?
Si cette méthode existe depuis plusieurs années (connue auparavant sous le nom de « ping call »), elle demeure redoutablement efficace pour plusieurs raisons :
- La curiosité naturelle : la peur de manquer un appel important pousse à rappeler.
- Le contexte professionnel : certaines personnes reçoivent régulièrement des appels d’inconnus (clients, livraisons, démarches administratives).
- Le spoofing : une technique qui permet aux escrocs d’usurper un numéro local ou connu pour piéger encore plus facilement les victimes.
- L’illusion d’une erreur : on pense souvent à un problème de réseau ou à une maladresse de l’appelant.
Déjà pénible du temps de la seule téléphonie filaire, le “ping call” a littéralement explosé avec la téléphonie mobile. Et grâce à un accès automatisé aux bases de données téléphoniques, les fraudeurs peuvent désormais lancer des milliers d’appels par jour, multipliant de manière exponentielle le nombre de victimes potentielles.
Un phénomène mondial, un fléau en constante évolution
Des chiffres alarmants
Les arnaques téléphoniques, et en particulier le Wangiri, constituent un problème mondial qui touche autant les particuliers que les entreprises. En France, par exemple, la plateforme de signalement 33700 reçoit des milliers d’alertes chaque année concernant des numéros suspects.
Selon l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), les signalements liés au Wangiri ont explosé ces dernières années. Certaines estimations avancent le nombre de plusieurs millions d’appels frauduleux passés chaque mois en Europe.
Et ailleurs, la situation n’est pas moins préoccupante :
- Aux États-Unis, la Federal Communications Commission (FCC) met régulièrement en garde contre ces appels frauduleux.
- En Australie, l’ACMA (Australian Communications and Media Authority) a imposé des restrictions aux opérateurs pour limiter ces pratiques.
- Au Royaume-Uni, les numéros étrangers suspects sont parfois bloqués par défaut sur les réseaux mobiles.
Les nouvelles stratégies des escrocs
Face à la volonté des pouvoirs publics, mais aussi des opérateurs et même des particuliers de lutter contre ce fléau, les fraudeurs ne manquent pas d’imagination :
- Le double appel : première tentative manquée, suivie d’un second appel pour renforcer l’urgence perçue.
- L’usage des SMS frauduleux : messages du type « Vous avez un message vocal, rappelez le 0899… ».
- Les appels « localisés » : les gens sont devenus de plus en plus méfiants et ne décrochent plus lorsque l’indicatif est “exotique” ; mais grâce au spoofing, certains numéros semblent provenir d’un indicatif local, ce qui rassure la victime.
- Le Wangiri ciblé : exploitation des bases de données téléphoniques récupérées illégalement sur Internet (forums, entreprises piratées…).
Bien sûr, les ripostes existent, mais les parades aussi. Par exemple, les fraudeurs changent régulièrement de numéros pour éviter de se faire repérer trop facilement.
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Comment se protéger efficacement ?
Devant une arnaque aussi simple que redoutable, la meilleure défense reste encore la prévention et l’adoption de bons réflexes. Si les opérateurs et régulateurs tentent de limiter ces fraudes, la vigilance individuelle est primordiale pour éviter les mauvaises surprises sur sa facture.
Les bons réflexes à adopter
La règle d’or pour éviter de tomber dans le piège du Wangiri est de ne jamais rappeler un numéro inconnu ayant raccroché après une seule sonnerie. Voici quelques conseils pour réduire les risques :
- Ignorer les appels suspects, surtout ceux venant de l’étranger si vous n’attendez aucun appel international.
- Ne jamais rappeler un numéro sans vérifier son indicatif. Certains sites comme www.indicatifs.fr permettent d’identifier la provenance d’un appel.
- Éviter de partager son numéro de téléphone sur Internet, notamment sur les forums ou les réseaux sociaux, où les fraudeurs récupèrent des bases de données.
- Se méfier des numéros commençant par 0899, 0039, ou ceux avec des indicatifs exotiques.
- Informer les proches vulnérables, en particulier les ados et les personnes âgées, souvent moins familières avec ces pratiques frauduleuses.
Les solutions techniques pour limiter les risques
Plusieurs outils permettent de se prémunir contre ces arnaques :
- Bloquer les numéros suspects directement via votre smartphone :
- Sur iPhone : ouvrez l’onglet « Récents », sélectionnez le numéro et cliquez sur « Bloquer ce correspondant ».
- Sur Android : ouvrez l’appel dans votre historique et sélectionnez « Bloquer et signaler » si l’option est disponible.
- Activer les options anti-fraude des opérateurs :
- Orange : service Stop Pub et blocage des numéros surtaxés sur demande.
- SFR : filtrage des appels indésirables via SFR Sécurité.
- Bouygues Telecom et Free proposent également des options pour signaler les numéros suspects.
- Utiliser des applications de filtrage anti-spam. Il en existe de très nombreuses, et c’est à chacun de trouver celle qui lui convient, mais on peut éventuellement citer :
- Truecaller (Android et iOS) : identifie et bloque les appels suspects en temps réel.
- Hiya : permet de repérer les appels frauduleux grâce à une base de données actualisée.
- Should I Answer? : une autre application qui signale les numéros indésirables signalés par la communauté.
Que faire si vous êtes victime d’un appel Wangiri ?
Si vous avez rappelé un numéro frauduleux et que vous constatez une surfacturation, voici les démarches à suivre :
- Signalez l’arnaque sur la plateforme dédiée du gouvernement français, le 33700, par SMS ou via le site www.33700.fr.
- Contactez votre opérateur pour tenter d’annuler la facturation. En effet, il peut accepter de rembourser les appels frauduleux s’ils lui sont signalés rapidement. Et quoi qu’il en soit, demandez à bloquer les appels vers les numéros surtaxés pour éviter tout problème futur.
- Déposez une plainte auprès de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) si la fraude est avérée, sans oublier de signaler l’escroquerie sur le site de Cybermalveillance.gouv.fr.
- Évitez de prolonger l’appel si vous tombez sur un numéro suspect. Et si vous décrochez et qu’un message automatique vous demande d’appuyer sur une touche, raccrochez immédiatement : il peut s’agir d’un stratagème pour prolonger la communication et gonfler la facture.
En appliquant toutes ces bonnes pratiques, vous redevenez maître, à la fois, de votre tranquillité d’esprit et de vos factures !
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.
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