Comme beaucoup d’épargnants européens, les Français ont longtemps compté sur les garanties de leur système bancaire pour protéger leur patrimoine. Mais cette confiance pourrait bien vaciller à la suite d’une récente décision de l’agence de notation Moody’s d’abaisser la perspective des notes de plusieurs grandes banques françaises.
Une perspective qui passe de stable à négative
Le 29 octobre dernier, l’agence Moody’s publiait un rapport intitulé « Moody’s Ratings changes outlooks on the long-term deposit, senior unsecured debt and issuer ratings of seven French banks to negative » qui, comme son titre l’indique, remet en question la sécurité des dépôts dans certaines des plus grandes banques françaises, dont BNP Paribas, le Crédit Agricole, ou encore la Banque Fédérative du Crédit Mutuel. À ce titre, ces banques pourraient donc voir leur note abaissée prochainement.
En réalité, cette dégradation des banques découle directement de la baisse de la note de confiance de la France elle-même. En clair, l’agence de notation doute de la capacité de l’État français à intervenir efficacement pour soutenir ces institutions en cas de crise, en raison d’une situation de dette publique préoccupante et de l’incapacité du gouvernement à maîtriser ses comptes publics.
En d’autres termes, tout laisse penser que l’argent des Français n’est plus aussi en sécurité dans les banques qu’on pourrait le croire.
Les principes de solvabilité et de gestion des banques françaises
Les banques françaises sont soumises à des normes de solvabilité strictes, conçues pour garantir la sécurité de leurs opérations et la solidité de leur bilan. La réglementation européenne impose aux établissements de détenir un certain niveau de fonds propres, qui servent de coussin financier en cas de pertes. Ce ratio de fonds propres, appelé ratio de solvabilité, doit être supérieur à 10,5% pour la majorité des grandes banques en Europe. Les banques doivent également respecter un ratio de liquidité, c’est-à-dire qu’elles doivent détenir suffisamment d’actifs liquides pour faire face à une crise de trente jours.
Plusieurs institutions surveillent de près la conformité des banques à ces normes. En France, c’est l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), et d’une manière plus globale la Banque Centrale Européenne (BCE) supervise le dispositif à l’échelle européenne. Les exigences imposées aux banques sont censées garantir une certaine stabilité et réduire le risque de faillite immédiate. Mais la réalité montre qu’elles ne suffisent pas toujours en cas de crise de grande ampleur, comme celle de 2008.
L’impact de la note souveraine sur la sécurité bancaire
On l’a dit, c’est principalement l’abaissement de la note de l’État qui a conduit à dégrader les perspectives des banques. La raison en est simple : en cas de crise bancaire majeure, l’État est garant en dernière instance, ce qui signifie qu’il est supposé intervenir pour sauver les banques d’une faillite, soit par des prêts directs, soit en injectant des liquidités. Cependant, cette intervention repose sur la capacité financière de l’État lui-même.
Et c’est précisément sur ce point qu’il y a un problème. Face à une dette publique qui atteint des niveaux record et une maîtrise difficile — pour ne pas dire impossible ! — des finances publiques, les agences de notation comme Moody’s expriment des doutes sur la capacité de l’État français à assumer pleinement le rôle de garant pour ses banques. En dégradant la note souveraine de la France, ces agences font plus que mettre en garde les investisseurs sur la solvabilité de l’État emprunteur : elles indiquent également de manière implicite qu’en cas de crise, non seulement les fonds propres des banques seront probablement insuffisants, mais le soutien gouvernemental pourrait lui aussi être limité, laissant les banques totalement vulnérables.
Le dernier rapport de Moody’s ne fait que renouveler l’alerte sur la fragilité de tout le système, dans un contexte où la garantie de l’État est elle-même remise en question.
Une protection très relative
Pour les épargnants, cette dégradation de la perspective des banques françaises n’est donc pas une simple abstraction. Elle vient rappeler que, dans le système bancaire actuel, les fonds déposés ne sont pas protégés de manière absolue.
Alors certes, il existe un Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) qui est censé protéger les épargnants jusqu’à hauteur de 100 000 € en cas de défaillance bancaire. Mais si cette garantie peut sembler rassurante pour les particuliers, elle est limitée par les ressources du fonds lui-même.
Au 31/12/2023, les ressources en fonds propres du FGDR s’élevaient à 7,729 Milliards d’euros. À cette même date, la Banque de France recensait environ 83 millions de comptes courants en France, pour un encours global de 660 milliards d’euros. Soit presque 100 fois plus que ce que le FGDR est capable de couvrir.
Les risques concrets pour les épargnants
En cas de crise bancaire sévère, les épargnants pourraient ainsi être exposés à plusieurs risques.
Le premier d’entre eux, c’est la faillite bancaire. En cas de défaillance d’une banque, ses clients risquent de ne pas récupérer la totalité de leurs dépôts, quand bien même le FGDR permettrait de couvrir les encours jusqu’à 100 000 €. Car dans l’univers économique et financier actuel, la chute d’une seule banque, même modeste, peut entraîner l’effondrement de tout le système. Or, le fonds de garantie n’a pas été conçu pour couvrir une crise systémique qui concernerait des millions d’usagers et représenterait plusieurs centaines de milliards d’euros de pertes.
Le deuxième risque qui peut survenir lors d’une crise bancaire, c’est la réduction de liquidité. Les banques peuvent ainsi restreindre l’accès aux fonds de leurs clients pour éviter un effondrement par « bank run ». Concrètement, les épargnants pourraient être limités dans leurs retraits ou même subir des blocages temporaires de leurs comptes, comme cela a pu être observé en Grèce en 2015.
Le troisième risque concerne l’assurance-vie, qui reste l’un des produits d’épargne préférés des Français, et qui est souvent investie dans des obligations mais aussi dans des fonds bancaires. Si les banques sont en difficulté, la valeur de ces actifs peut chuter, impactant directement les épargnants.
Enfin, on ne peut exclure la possibilité d’un prélèvement forcé sur les comptes des épargnants afin de sauver le système bancaire, comme cela a pu se passer à Chypre en 2013. Une mesure extrême qu’on pourrait croire impossible, mais qui a pourtant bel et bien été appliquée dans l’un des États membres de la zone euro, face à l’incapacité du gouvernement chypriote à sauver les banques du pays.
Se protéger face aux risques : les alternatives pour les épargnants
Face à tous ces risques, et afin de pallier les fragilités du système bancaire, il est possible pour les épargnants de se prémunir au moins partiellement en diversifiant leurs placements, mais aussi et surtout en débancarisant une partie de leur patrimoine. C’est-à-dire en déplaçant une partie de leurs fonds en dehors du système bancaire traditionnel.
- Les placements en métaux précieux constituent un bon exemple. L’or est en effet considéré comme une valeur refuge, car il permet de protéger son capital de l’inflation, mais surtout parce qu’il n’est pas soumis aux mêmes risques que les dépôts bancaires. Les pièces d’or ou les lingots sont des actifs physiques qui peuvent être conservés par leurs détenteurs, mais plus raisonnablement confiés à des organismes comme Veracash qui travaillent en totale indépendance par rapport aux banques.
- L’immobilier représente une autre alternative intéressante, et c’est d’ailleurs le premier réflexe des épargnants français qui souhaitent se protéger contre les aléas bancaires. En outre, investir dans des biens locatifs permet de générer des revenus réguliers tout en sécurisant une partie de son patrimoine dans un actif tangible et moins vulnérable aux fluctuations des marchés financiers.
- On peut aussi se tourner vers les obligations d’États étrangers réputés pour leur solidité économique. Par exemple, les obligations d’État suisses ou allemandes sont souvent perçues comme des valeurs sûres, bien que les rendements puissent être faibles. Néanmoins, cette option devient de moins en moins pertinente à une époque de finance globalisée où la défaillance d’un seul acteur local peut avoir des répercussions auprès des institutions du monde entier.
- Enfin, certains continuent à privilégier l’argent liquide, le fameux bas de laine qui permet de faire face aux urgences en cas de crise bancaire. Cela peut sembler assez primitif et même relativement anachronique, mais avoir un accès immédiat à des fonds sous forme d’espèces — ou de comptes non liés à une banque — peut s’avérer utile lorsque le système bancaire devient temporairement inaccessible.
Quelle que soit la stratégie adoptée, l’idée n’est pas de retirer l’intégralité de ses fonds du système bancaire, mais plutôt de diversifier ses actifs afin de répartir les risques. L’avertissement de Moody’s est en quelque sorte une incitation à diversifier ses placements et à explorer des options hors banque.
Ce qu’il faut retenir
- L’agence de notation Moody’s a abaissé la perspective des notes de plusieurs grandes banques françaises en la faisant passer de stable à négative.
- Cette dégradation des banques découle directement de la baisse de la note de confiance de la France elle-même.
- Les banques françaises sont soumises à des normes de solvabilité strictes, mais qui ne suffisent pas en cas de crise de grande ampleur.
- L’Etat est donc censé pallier les défaillances de ces garde-fous réglementaires, mais les agences de notation doutent de sa capacité à assumer pleinement son rôle de garant pour sauver les banques.
- Il existe également un fonds de garantie, mais il est largement sous-dimensionné.
- En cas de crise bancaire sévère, les épargnants sont donc exposés à plusieurs risques bien réels de perdre tout ou partie de leurs fonds.
- Fort heureusement, il existe des alternatives permettant de protéger son patrimoine face à ces risques.
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.