Dans une économie mondialisée, même les conflits régionaux ont une incidence planétaire. « Le monde est plat » écrivait l’éditorialiste Thomas Friedman pour justifier la transmission facile des idées, des biens et des services sur la planète. Il semblerait que le bruit de bottes, le son du canon, circule lui aussi très bien. Depuis la chute du mur de Berlin et la fin de la bipolarisation du monde, à chaque déflagration régionale, c’est l’or qui encaisse… et qui prend de la valeur.
L’évolution du cours de l’or au temps de la bipolarisation
Avant de parler du prix de l’or depuis la fin de la guerre froide et la multiplication des typologies de conflits, revenons sur une époque relativement simple. Entre 1947 et 1991, il y avait deux camps : les occidentaux et les « communistes » ; les bleus contre les rouges ; les alliés des États-Unis et ceux de l’Union Soviétique.
Bipolarisation du monde : L’étalon or de Bretton Woods jusqu’en 1971
Le cours de l’or est figé entre 1944 et 1971 dans les accords de la conférence de Bretton Woods. Les Américains obtiennent d’avoir la seule monnaie convertible en or sans obligation de couverture réelle. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas obligés de détenir l’équivalent en or de la masse monétaire émise. Un accord réellement pousse-au-crime sur l’usage de la planche à billets. Les autres monnaies sont indexées sur le dollar. L’étalon-or, le Gold Standard est fixé à 35 dollars l’once.
Une guerre monétaire entre alliés des États-Unis
Si, avec la guerre froide, les USA et l’URSS s’affrontent autour de Cuba, à l’Est de l’Europe et dans l’espace, c’est finalement une autre guerre en deux temps qui mettra fin aux accords de Bretton Woods. Et l’URSS n’y est pour rien.
Le conflit est engagé en premier lieu par le Général de Gaulle en 1965. Il décide de libérer les réserves monétaires françaises du poids très important du dollar. Surtout, il trouve « un peu fort de café » (expression de l’époque) que les États-Unis se développent avec une dette publique à moindre coût. Il utilise donc la convertibilité du dollar en or, à 35 dollars l’once. Les Américains n’apprécient pas mais sont bien obligés d’accepter le deal.
Les Anglais se lancent ensuite dans la conversion de leurs dollars en or. Au milieu du mois d’août 1971, c’en est trop. Le Président des États-Unis décide de mettre fin aux accords de Bretton Woods.
Le 15 août 1971 est une date importante puisque, ce jour-là, Nixon rend sa liberté au cours de l’or ! Le cours de l’or dépend alors de l’offre et de la demande, des événements géopolitiques et des informations économiques.
L’évolution du cours de l’or jusqu’à la fin de la guerre froide en 1991
Quand on regarde le cours de l’or à partir de 1971, on remarque qu’il est surtout très impacté par les problèmes économiques du moment.
Les chocs pétroliers et l’inflation
Il grimpe assez rapidement à 350 dollars l’once puis à un cours record de 850 dollars. Les chocs pétroliers et l’inflation sont très clairement responsables de cette hausse. Selon différents calculs, 850 dollars de 1979 correspondent à 3 000 dollars l’once d’aujourd’hui.
La guerre en Afghanistan et la chute du mur
Deux dates à retenir : 1980 et 1989 qui correspondent à deux événements géopolitiques majeurs de cette période.
– 1980 : entrée en guerre des soviétiques en Afghanistan ;
– 1989 : chute du mur de Berlin.
Effectivement, le record de cette période est enregistré en 1980 à 850 dollars mais on ne peut pas avoir la certitude que le conflit afghan en soit la cause unique. L’inflation et la crise économique sont sans doute très importantes dans ce recours à la valeur refuge.
Puis, en 1989 et 1990, le cours de l’or redescend vers les 400 dollars. La fin de la bipolarisation et de la guerre froide aurait-elle incité les investisseurs à vendre leur or ?
En savoir plus sur le parcours de l’or pendant la guerre froide, en pleine bipolarisation du monde.
Le récit d’Arnaud Manas, directeur des archives et du patrimoine de la Banque de France, auteur d’un ouvrage : « l’or de la guerre froide »
Existe-t-il une différence d’évolution du cours de l’or selon la nature du conflit ?
Peut-on trouver des similitudes entre les réactions du cours de l’or et les différentes tensions géopolitiques récentes ? Autrement dit, depuis que la bipolarisation du monde a littéralement explosé.
La proximité des conflits provoque des fortes hausses sur l’or
C’est le principal enseignement du déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Des combats d’artillerie en Europe, à quelques heures d’avion des principales capitales, ont influencé les investisseurs. On a remarqué le jour de l’attaque une forte hausse de l’or puis une baisse. Phénomène habituel de tentative de récupération de marges sur les métaux précieux, tandis que les marchés actions s’effondrent. Puis quelques jours plus tard, retour vers les records pour le cours de l’or en euros, mais pas en dollars. Cette différence entre les deux monnaies confirme bien une incidence de la proximité du conflit sur les comportements des Européens. Une autre explication est aussi à trouver du côté de la faiblesse de l’euro par rapport au dollar en février 2022.
Le risque d’internationalisation d’un conflit pousse les investisseurs vers la valeur refuge
À la différence du temps de la bipolarisation et de la guerre froide, le risque de contagion d’un conflit à des pays proches géographiquement ou idéologiquement est important en 2023. Avec l’attaque du 7 octobre du Hamas sur Israël, on observe d’abord une évolution « habituelle » du cours de l’or au son du canon (ou de la kalachnikov) : hausse puis baisse puis nouvelle hausse. Mais quelques jours plus tard, c’est la crainte d’une contagion du conflit. À l’Iran notamment, qui a poussé le cours de l’or vers de nouveaux sommets au-dessus de 2 000 dollars l’once. Un cours qui est resté finalement sur des supports proches de ces niveaux ensuite.
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