Le rôle de l’or est multiple, aussi bien dans le portefeuille des épargnants que dans les réserves des banques centrales par exemple. Valeur refuge en période d’incertitude économique, actif de diversification financière, réserve monétaire ou encore instrument de stockage de valeur, l’or est influencé par une multitude de facteurs, dont certains indicateurs économiques majeurs aux États-Unis comme en Europe.
Chaque semaine, nous tentons d’analyser ces différentes influences.
Les indicateurs en gras sont ceux qui ont évolué depuis la dernière note de conjoncture.
Principaux indicateurs américains (valeurs arrêtées au 15/12/2023)
- Taux d’intérêt de la Réserve fédérale (Fed) : 5.5% inchangé depuis juillet
- 202 000 nouvelles inscriptions aux allocations chômage (-8.5% en une semaine) ↘︎
- Inflation américaine (indice PCE) : 3 % inchangé
- Confiance des consommateurs US (indice Michigan) : 69,4 en forte hausse ↗︎
- Valeur du Dow Jones : 37305 en nette hausse sur la semaine écoulée (+ 2.9 %) ↗︎
- Valeur du S&P 500 : 4719 en nette hausse sur la semaine écoulée (+ 2.5 %) ↗︎
Principaux indicateurs européens (valeurs arrêtées au 15/12/2023)
- Taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) : 4.5 % inchangé
- Taux d’inflation moyen pour la zone euro : 2.4 % inchangé
- Taux de chômage pour la zone euro : 6.5 % inchangé
- Confiance des consommateurs et des entreprises zone euro : -16.9 inchangé
- Production industrielle de la zone euro : -6.9% inchangé
- EUR/USD : 1.09, en hausse, après une pointe à 1.10 en milieu de semaine ↗︎
Évolution du cours de l’or
Après une correction de quelques jours qui était prévisible après les fortes hausses de ces dernières semaines — notamment liée à la prise de bénéfices de certains détenteurs qui voient le métal précieux davantage comme un actif que comme une réserve de valeur —, l’or est de nouveau reparti à l’assaut de ses plus hauts niveaux historiques, avec une pointe au-delà des 2047 USD l’once jeudi 14 décembre à 15:30..
Et c’est en grande partie en raison des nombreuses annonces qui ont été faites la semaine dernière.
Tout d’abord aux Etats-Unis, le département américain du travail a publié les chiffres des inscriptions hebdomadaires au chômage sur la semaine écoulée. Non seulement ce nombre continue à baisser, confirmant le dynamisme de l’emploi US, mais en outre ce nouveau chiffre se situe plus de 8% en dessous des prévisions, ce qui est généralement considéré comme une bonne nouvelle pour le dollar. Pourtant, et c’est un paradoxe, c’est exactement à ce moment-là que l’or a de nouveau bondi de 3 % sur la seule journée du jeudi 14 décembre.
L’emploi n’est pas la seule bonne annoncée par l’administration américaine, puisque la confiance des consommateurs remonte elle aussi assez nettement, constituant un indicateur positif de la consommation future des individus. Consommation qui, par ailleurs, a déjà commencé à progresser de l’ordre de +0.3% en novembre selon les derniers chiffres publiés, là encore, la semaine dernière. Alors qu’on attendait un nouveau repli après le recul de 0.2% du mois d’octobre.
Et comme un bonheur ne vient jamais seul, dans le même temps, sans doute boostée par la demande ainsi que par les perspectives optimistes concernant les taux d’intérêt, la production industrielle est elle aussi remontée d’environ 0.2% en novembre.
En gros tout va bien chez l’Oncle Sam et la dernière réunion plutôt optimiste de la Fed semble avoir définitivement enterré l’idée d’une prochaine nouvelle des taux d’intérêt. Mais alors, comment expliquer cette bonne santé de l’or alors que tout semble aller dans le sens d’un renforcement de sa Nemesis monétaire, le dollar ?
Eh bien justement parce que le dollar continue en réalité à s’affaiblir malgré toutes ces bonnes nouvelles. D’abord, la Réserve fédérale américaine a maintenu ses taux d’intérêt et laissé entendre qu’il pourrait y avoir trois ou quatre réductions de taux en 2024 (100 points de base) sur fond de baisse plus rapide que prévu de l’inflation. Conséquence directe, le dollar sera moins “rémunérateur” et donc moins attractif à court terme. Mais de son côté, Christine Lagarde, grande argentière de la Banque centrale européenne a tenu un discours bien plus sévère en s’engageant à maintenir ses taux à des niveaux élevés tant que l’inflation ne sera pas redescendue à 2%. Ce qui semble compromis même pour 2024.
Donc, forcément, l’euro est remonté à 1.10 dollar, après avoir flirté avec le seuil des 1.07 en début de mois, car la devise européenne promet d’offrir un rendement obligataire à moyen terme plus intéressant que le dollar.
Ce qui n’a pas empêché l’or de remonter aussi significativement face à l’euro, renouant avec les 1870 euros l’once en suivant comme toujours le cours de l’or en dollar, mais avec un rebond tout de même moins marqué, puisque la hausse du jeudi 14 décembre s’est limitée à +1.6% (soit la moitié de celle de l’or en dollar).
Dernier point noir qui inquiète la BCE, les coûts de la main-d’œuvre sont en hausse annuelle de 5,3% dans la zone euro, dans un contexte de faible croissance, ce qui est de nature à maintenir une inflation élevée. Une raison supplémentaire sans doute pour Christine Lagarde de rester plus prudente que son homologue américain Jerome Powell, et de ne pas envisager pour l’instant de baisse de taux pour 2024.
Un contexte qui pourrait donc continuer à ralentir l’économie intérieure, mais à renchérir l’euro par rapport au dollar… et donc potentiellement assurer un niveau élevé du cours de l’or pour les mois à venir.
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.