Au vu des performances de l’or au cours ces dernières années, certains spécialistes de l’économie jusqu’ici réfractaires à la « relique barbare » ne peuvent que constater la bonne tenue des cours du métal précieux en dépit des turbulences financières. Mais ils en concluent de facto que l’or est donc un actif spéculatif, qui profite du marasme ambiant pour s’élever, ce qui dénote surtout de leur part une certaine méconnaissance des spécificités de l’or d’investissement.
Depuis quelque temps, les médias se font l’écho d’affirmations de spécialistes qui souhaitent mettre en avant l’intérêt purement spéculatif de l’or. L’un des plus récents exemples se trouve dans le magazine Capital qui fait référence en matière économique. Avec l’article Produits spéculatifs : le bitcoin et l’or poursuivent leur ascension, les auteurs souhaitent non seulement réduire le placement en métaux précieux à sa seule vocation rémunératrice, mais ils tentent clairement de raccrocher le plus ancien des actifs économiques tangibles de l’humanité au plus récent et au plus turbulent des avatars virtuels de la société numérique.
Toutefois, avant de crier au sophisme, essayons de comprendre ce qui peut effectivement donner à l’or l’apparence d’un actif spéculatif.
Les aspects spéculatifs de l’or
En bon français, spéculer signifie anticiper une évolution possible d’une situation afin d’en tirer avantage. Et d’une manière générale, c’est à peu près tout le temps ce que font les investisseurs. Il est rare qu’on cherche volontairement à placer son capital dans des actifs qui vont lui faire perdre de sa valeur. Néanmoins, ce qui semble parfaitement accepté pour les marchés financiers ou encore les placements de « bon père de famille » devient presque une marque d’infâmie lorsqu’on parle de l’or. Les détenteurs de métaux précieux seraient ainsi de vils spéculateurs, véritables Harpagons modernes soucieux de remplir leur cassette avant tout.
Plus sérieusement, on peut trouver plusieurs critères objectifs susceptibles de caractériser la nature potentiellement spéculative de l’or. Par exemple, la volatilité des cours va nécessairement attirer des investisseurs qui cherchent en priorité à réaliser des gains à court terme. Au même titre qu’ils peuvent travailler sur le forex ou être des spécialistes du day trading, ces experts de la finance micrométrique sont également susceptibles d’être séduits par la nature fluctuante des cours de l’or au quotidien.
De la même façon, l’absence de rendement peut laisser penser que l’or n’a pas d’intérêt à long terme, au propre comme au figuré, et que sa seule vocation est de produire une plus-value entre le moment de l’achat et celui de la revente.
Enfin, devant l’évidente synchronicité des cours de l’or avec les évènements majeurs qui secouent le monde, certains investisseurs peuvent chercher à surfer sur les turbulences économiques, monétaires, politiques ou même stratégiques en profitant de l’engouement des épargnants à l’égard des valeurs refuges durant ces périodes difficiles pour dégager des plus-values intéressantes.
Tout ceci est vrai, mais c’est surtout très réducteur et omettant complètement la vraie nature de l’or d’investissement.
La vraie nature protectrice de l’or
L’or est en effet reconnu pour sa capacité à conserver sa valeur au fil du temps, offrant ainsi une protection dans des périodes d’incertitude économique ou de baisse de la valeur des monnaies papier. On pourrait le comparer à une épargne de précaution visant à minimiser l’exposition de son capital aux turbulences à court terme des marchés financiers. Et c’est surtout une formidable couverture contre l’inflation.
Car si l’or est un actif quasi-monétaire (les banques centrales ne cessent d’accroître leurs stocks d’or en qualité de valeur de réserve, entre autres choses pour soutenir leur monnaie), c’est aussi un bien marchand. A ce titre, il est exposé à l’inflation et voit son prix augmenté à l’instar des autres biens.
Sauf que l’or possède une valeur intrinsèque, c’est-à-dire qu’il conserve son pouvoir d’achat indépendamment des fluctuations de valeur des monnaies. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les monnaies ont perdu énormément de valeur au cours des dernières décennies. De son côté, l’or se distingue par sa rareté, son universalité et sa demande inaltérable. Contrairement aux monnaies papier, on ne peut pas produire de l’or à volonté, ce qui lui confère une protection intrinsèque contre l’inflation. Ce qui ne veut pas dire non plus que le cours de l’or ne va pas suivre l’inflation, bien au contraire. Mais le fait que justement le prix de l’or ait tendance à augmenter en période d’inflation reflète simplement sa capacité à conserver la valeur lorsque la monnaie fiduciaire en perd.
En d’autres termes, et de manière plus concrète, quelles que soient les conditions économiques, l’or a toujours maintenu, voire accru, son pouvoir d’achat, contrairement aux monnaies fiduciaires dont la valeur a continuellement décliné face à l’augmentation des niveaux de vie et la hausse continuelle des prix des biens et services. Ainsi, la quantité d’or nécessaire pour acheter une maison ou une voiture il y a cinquante ans est relativement similaire aujourd’hui, tandis que la quantité de monnaie fiduciaire nécessaire a considérablement augmenté.
Et peu importe le moment où on achète de l’or, on fige dans le temps la valeur de son capital par rapport à ce contre quoi on peut l’échanger. Mieux encore, il arrive que le cours de l’or progresse plus vite que la hausse des prix. Exactement comme ce qu’il s’est passé depuis vingt ans où on a vu les revenus croître de 50% environ, tout comme l’immobilier ou l’indice de prix cumulé, tandis que l’or gagnait quant à lui… 470% !
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.