En cette rentrée 2022, notre rédacteur Bruno Gonzalvez nous offre ses perspectives économiques d’ici la fin d’année et prospective sur les mois à venir.
Alors que l’inflation atteint des records qu’on n’avait plus connus depuis 40 ou 50 ans, que la récession menace et que tous les signes d’une crise économique majeure sont désormais une réalité pour la plupart des Français, le gouvernement souffle le chaud et le froid, au propre comme au figuré, en alternant les mises en garde pessimistes et les promesses rassurantes sur fond d’aide financière généralisée.
Les politiques nous préparent à l’hiver économique
Le président Macron l’a dit, c’est la fin de l’abondance. Quoi que cela puisse signifier, et même si pour la grande majorité des Français, l’abondance n’a de toute façon jamais été une réalité, on comprend surtout qu’on nous promet des lendemains particulièrement difficiles. Un sentiment renforcé par les récentes déclarations des principaux ministres du gouvernement, à commencer par Bruno Le Maire ou Elisabeth Borne qui nous annoncent un véritable hiver économique comme on nous annoncerait un hiver nucléaire. Bref, ce n’est pas encore tout à fait la fin du monde, mais ça y ressemble beaucoup.
D’ailleurs, depuis quelques jours, on nous explique que les Français vont devoir se serrer la ceinture pour les prochains mois, que la froide saison à venir s’annonce d’autant plus rude qu’il faudra certainement rogner sur le chauffage et oublier les douches chaudes pour économiser l’énergie. Avec 17°C dans les hypermarchés, on fera aussi nos courses en blouson, et on gardera probablement un pull dans les bureaux ainsi que les habitats collectifs où le chauffage sera calé à 19°C maximum.
On doit également s’attendre à des augmentations de prix et des pénuries qu’on n’avait plus connues depuis la Seconde guerre mondiale. On commence même à nous parler de rationnement. Des cantines scolaires ont déjà choisi de ne plus servir que l’entrée OU le dessert afin de ne pas augmenter le prix des repas des élèves. Quant aux chèques déjeuners des salariés qui en bénéficient, ils sont devenus les nouveaux tickets alimentaires du XXIe siècle, dont l’usage est à la fois rationné (25 euros par jour à partir du 1er Octobre contre 38 au plus fort de la crise sanitaire) et en même temps étendu à toutes ses courses alimentaires, directement consommables ou pas.
L’énergie subventionnée par l’État
Pour autant, et c’est sans doute encore l’un des signes de ce fameux paradoxe français, ce sont les mêmes ministres que ceux cités plus haut, Bruno Le Maire en tête, qui nous informent également qu’on allait prolonger le bouclier tarifaire sur l’énergie en 2023.
Pour ceux qui auraient vécu dans une grotte au cours des six derniers mois, rappelons que l’État a en effet décidé de subventionner en partie les dépenses énergétiques des ménages français pour les aider à faire face au choc tarifaire qui menaçait leur pouvoir d’achat depuis le début de l’année 2022. On parle ici, non seulement du plafonnement des tarifs pour l’électricité et le gaz, qui a permis de masquer le coût réel des augmentations du prix de l’énergie, mais aussi de la remise de 18 centimes – portée à 30 centimes depuis le 1er septembre – sur chaque litre de carburant déversé dans les quelque 40 millions de véhicules particuliers qui circulent quotidiennement en France. Au total, la facture s’élève déjà à 24 milliards d’euros, soit 1% du PIB pour ceux qui aiment comparer des choux et des carottes.
Masquer la crise quoi qu’il en coûte
Souvenons-nous également, s’il était besoin, que nous sortons peu à peu d’une crise sanitaire sans précédent qui, depuis 2020, a passé l’économie mondiale à l’essoreuse, en faisant ressortir à peu près tous les points faibles de la mondialisation. Des points faibles que l’on connaissait là aussi depuis un bon moment déjà, depuis 2008 au moins, mais que l’on s’était efforcé de masquer pour donner l’illusion qu’on maîtrisait la situation. Du quantitative easing à la création massive de monnaie, en passant par les taux directeurs négatifs et l’absorption de l’inflation par les marchés financiers, on a vraiment fait tout ce qu’on pouvait durant ces quinze dernières années pour substituer une illusion rassurante à une réalité alarmante.
Quant à la crise – ou plutôt le nouveau pic critique – que nous vivons actuellement, il semble qu’on ait choisi de la traiter de la même façon. En effet, à défaut de remèdes efficaces (mais qui pourraient être impopulaires), cela fait maintenant deux ans qu’on nous offre tout une série de pansements plus ou moins symboliques regroupés dans une grosse mallette de premiers secours baptisée “Quoi-qu’il-en-coûte”. Chômage partiel facilité, prêts garantis par l’État, distribution d’argent à la population, incitation au télétravail, aide à l’achat de vélos ou de trottinettes, défiscalisations en tout genre, report de charges, on a probablement épuisé toute la panoplie de poudres de perlimpinpin et de bisous magiques pour guérir notre économie en perdition.
Une éclaircie sur le plan énergétique pour 2023 ?
Malgré la morosité ambiante et les perspectives peu réjouissantes qu’on nous annonce, on peut toutefois entrevoir quelques soupçons de bonnes nouvelles susceptibles d’améliorer la situation économique d’ici la fin de l’année, voire le début de l’année prochaine.
Tout d’abord, sur le plan énergétique, notre principal problème réside dans la réduction d’un tiers de notre capacité de production d’électricité. En effet, sur les 56 centrales nucléaires françaises qui assurent 70% de la production d’électricité dans l’Hexagone, 32 sont actuellement à l’arrêt pour réparation et maintenance, obligeant alors la France à maintenir en activité (voire à relancer) ses centrales à pétrole et à gaz naturel, dans un contexte de très forte hausse des prix alimentée par la guerre en Ukraine. Il pourrait être également nécessaire d’acheter de l’électricité à l’étranger, alors que le prix du MegaWattHeure a été multiplié par 12 par rapport à 2021
Tout ceci explique l’envolée des prix de l’énergie en France, mais une lueur d’espoir subsiste car, justement, il se trouve qu’on a commencé à relancer certaines centrales. Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique vient même d’annoncer qu’EDF s’était «engagé à redémarrer tous les réacteurs pour cet hiver».
En réalité, même si une douzaine de réacteurs posent encore un certain nombre de problèmes de corrosion qu’il semble difficile de résoudre dans les trois mois à venir, l’objectif reste de rouvrir 27 centrales d’ici fin décembre, et les 5 restantes d’ici le 18 février 2023. La conséquence directe sera bien évidemment un retour à la normale en termes de production d’électricité dès le début de l’année prochaine, et donc une baisse des tarifs de l’électricité qui se répercutera dans les coûts de production, ce qui permettra sans doute de ralentir, voire d’inverser, la courbe de hausse des prix en France.
Notons au passage que ça va mieux aussi du côté du gaz puisque nos réserves stratégiques pour l’hiver prochain sont quasiment pleines et la part du gaz russe dans l’approvisionnement des pays européens est tombée à 9%, contre 50% avant la guerre. Vladimir Poutine a donc perdu son principal atout dans le chantage géopolitique qu’il impose à la communauté européenne depuis six mois.
Normalisation de la guerre en Ukraine et soutien du pouvoir d’achat
Dans le même temps, certains commencent déjà à envisager une sorte de “normalisation” de la guerre en Ukraine, avec un conflit qui risque de durer, certes, mais des solutions mises en place pour permettre une reprise des transactions commerciales par l’intermédiaire de pays tiers, comme par exemple les exportations des céréales ukrainiennes qui ont repris depuis le 1er août dernier via la Turquie. De quoi éloigner le spectre d’une crise alimentaire majeure et, là encore, empêcher à la fois les risques de pénurie ainsi que la flambée des prix des produits alimentaires.
Enfin, c’est sans doute un effet “pervers” de la politique économique actuelle, mais on peut supposer que le soutien massif apporté aux entreprises depuis la pandémie, et surtout les nombreuses mesures destinées à protéger le pouvoir d’achat des Français depuis près d’un an vont probablement favoriser la consommation en dépit des contraintes qui continueront à peser sur les ménages dans les mois à venir. C’est probablement ce qui explique que la Banque de France continue à tabler sur une croissance positive pour 2023, malgré un possible ralentissement, alors que partout ailleurs c’est la récession qui risque fort de prédominer.
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.