Depuis plusieurs années, mais particulièrement en 2024, de nombreuses banques centrales choisissent de rapatrier leurs stocks d’or, souvent conservés aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Cette tendance s’inscrit dans un contexte de transformation économique mondiale, marqué par des incertitudes géopolitiques, une montée des tensions entre grandes puissances et une volonté accrue de certains pays de renforcer leur indépendance économique.

Qu’il s’agisse d’États africains, du Moyen-Orient ou même européens (comme l’Allemagne), le mouvement s’accélère et semble refléter une mutation profonde dans les dynamiques économiques et géopolitiques mondiales.

Ce choix stratégique semble notamment répondre à des besoins de souveraineté, mais aussi à un désir de se dédollariser et de se protéger d’une instabilité géopolitique croissante…

Une tendance globale au rapatriement

L’or est souvent perçu comme l’ultime garantie pour une nation en cas de crise. Le rapatriement de ses réserves reflète donc une volonté de se prémunir contre des scénarios où l’accès à ces actifs pourrait être compromis. Cela a été particulièrement visible avec le Nigeria, qui, en avril 2024, a transféré son or depuis les États-Unis vers son propre territoire.

Le pays a justifié ce choix par la volonté de minimiser les risques de stockage à l’étranger, tout en renforçant la confiance dans son économie nationale.

Mais le Nigeria n’est pas un cas isolé. Plusieurs nations africaines, comme l’Afrique du Sud, le Ghana, l’Algérie et l’Égypte, ont suivi une trajectoire similaire. Officiellement, ces décisions s’inscrivent dans une dynamique où les économies émergentes cherchent à renforcer leur souveraineté économique face aux fluctuations monétaires et aux aléas diplomatiques.

En parallèle, la tendance à accumuler de nouvelles réserves d’or par les banques centrales renforce cette logique de “refaire” les stocks. Des pays comme la Chine, la Turquie et l’Inde ont ainsi été parmi les plus gros acheteurs en 2024, signalant par-là même leur volonté de diversifier leurs réserves et de réduire leur dépendance au dollar américain.

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Les raisons derrière le rapatriement de l'or

Autrefois perçu comme une solution pratique et sécurisée, le stockage d’or à l’étranger est désormais considéré par beaucoup comme une faiblesse stratégique. En effet, en dominant le système financier mondial grâce au dollar, les États-Unis disposent d’un levier immense sur les pays qui conservent leurs réserves sur leur territoire. En cas de sanctions, de tensions diplomatiques ou même de désaccords mineurs, ces actifs peuvent être gelés, voire confisqués.

Pour de nombreux pays, rapatrier leur or est alors un moyen de regagner leur indépendance économique et de se prémunir contre de telles pressions. Ce phénomène reflète donc une méfiance accrue envers l’hégémonie américaine, qui s’est renforcée avec l’utilisation des sanctions économiques comme outil diplomatique.

Le rapatriement de l’or s’inscrit ainsi dans un mouvement plus large : la volonté de plusieurs nations, notamment au sein des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), de réduire leur dépendance au dollar américain. Ces pays contestent de plus en plus ouvertement la domination du billet vert sur les échanges internationaux et cherchent à diversifier leurs réserves pour gagner en autonomie.

La Chine, par exemple, a non seulement accumulé d’importantes quantités d’or ces dernières années, mais elle a également œuvré pour renforcer l’utilisation du yuan dans les échanges internationaux. De même, la Russie a augmenté ses réserves d’or tout en réduisant drastiquement la part de dollars dans ses réserves de change. Ce double mouvement – accumulation d’or et diminution du rôle du dollar – est un signal clair d’une volonté de remodeler l’ordre monétaire mondial.

Les tensions géopolitiques croissantes rendent le stockage d’or à l’étranger de plus en plus risqué pour certains pays. Les exemples récents, comme le gel des actifs russes en 2022 ou la montée des sanctions unilatérales imposées par les États-Unis, ont convaincu de nombreux États que leur or serait plus en sécurité chez eux.

En parallèle, la volatilité des marchés financiers et l’instabilité économique mondiale incitent les nations à privilégier des actifs tangibles comme l’or, dont la valeur est perçue comme plus résiliente en temps de crise.

Enfin, le rapatriement des réserves d’or est un message fort adressé à la fois à la population et aux investisseurs internationaux.

Ainsi, garder l’or sur son propre sol est une façon de montrer que le gouvernement prend des mesures concrètes pour renforcer la sécurité économique. À cet égard, la Bundesbank, banque centrale allemande, a joué un rôle pionnier en rapatriant 674 tonnes d’or entre 2013 et 2017, dans le but de répondre aux inquiétudes croissantes liées à la crise de la dette souveraine qui avait ébranlé l’Europe en 2010.

De la même façon, cette transparence contribue à consolider la confiance dans les économies nationales, un élément essentiel pour attirer les investissements étrangers et stabiliser les marchés intérieurs.

Les pays qui conservent de l’or pour des tiers : un rôle historique et stratégique

Si certains pays choisissent de rapatrier leurs réserves, d’autres continuent à confier leur or à des nations réputées pour leur stabilité et leurs infrastructures sécurisées. Parmi les principaux centres de stockage mondial figurent les États-Unis, via la Federal Reserve Bank of New York, le Royaume-Uni (Banque d’Angleterre), la Suisse (Banque nationale suisse) et la France (Banque de France).

Le saviez-vous ?
Considérée comme la plus grande réserve d’or au monde, y compris devant Fort Knox, la Federal Reserve Bank of New York détient pas moins de 9000 tonnes de métal précieux, dont 98% appartient à des États étrangers.

Les avantages pour les pays hôtes

Ces nations jouent un rôle crucial dans le système financier mondial en offrant des installations hautement sécurisées et une stabilité politique rassurante. Cela leur confère plusieurs avantages stratégiques :

  • Prestige international : Conserver l’or d’autres pays renforce leur position de centres financiers majeurs.
  • Facilité des transactions : Les échanges d’or entre banques centrales ou institutions financières sont simplifiés lorsqu’ils sont centralisés dans des hubs reconnus.
  • Diversification des risques : En cas de conflit ou d’instabilité dans le pays d’origine, les réserves d’or restent en sécurité à l’étranger.

Les enjeux et défis pour les pays propriétaires de l’or

Cependant, cette pratique soulève des questions importantes. D’abord, le coût du stockage à l’étranger peut être élevé, même s’il est souvent considéré comme plus économique que le développement d’installations locales de haute sécurité.

Ensuite, la transparence pose problème : les audits des réserves d’or détenues à l’étranger peuvent être compliqués par des questions diplomatiques ou logistiques. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont motivé l’Allemagne à récupérer son or.

Enfin, le contexte actuel de méfiance croissante vis-à-vis des grandes puissances remet en question cette pratique. De nombreux pays préfèrent désormais rapatrier leurs réserves pour éviter tout risque d’ingérence ou de gel de leurs actifs en cas de tensions politiques.

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Un basculement dans l’économie mondiale

Le rapatriement de l’or illustre une mutation profonde dans l’ordre économique mondial. La perte de confiance dans le dollar comme monnaie refuge, la montée des tensions géopolitiques et la volonté des pays émergents de s’affirmer sur la scène internationale redessinent les priorités.

On a assisté récemment à plusieurs initiatives de la part des BRICS et d’autres alliances économiques, dans le but de réduire leur dépendance au système financier occidental. Dans ce contexte, l’accumulation d’or (re)devient un outil stratégique pour renforcer la stabilité interne et diversifier les réserves.

Quant aux centres de stockage traditionnels, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, ils doivent désormais justifier leur rôle dans ce nouveau monde qui conteste non seulement leur hégémonie économique et politique, mais aussi la légitimité même de leur position dominante sur la scène internationale.

Ce qu’il faut retenir

  • De plus en plus de pays, notamment en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe, choisissent de rapatrier leurs réserves d’or pour renforcer leur souveraineté économique et se prémunir contre des pressions extérieures.
  • Ce mouvement s’inscrit dans une volonté plus large de dédollarisation et de diversification des réserves, portée par des économies comme la Chine, la Russie ou les membres des BRICS.
  • Le gel d’actifs, comme ceux de la Russie en 2022, a accentué la méfiance des États envers le stockage d’or à l’étranger, jugé vulnérable en cas de conflit ou de sanctions.
  • Rapatrier l’or renforce la confiance des citoyens et des investisseurs tout en envoyant un signal de stabilité économique et politique.
  • Les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse et la France continuent de stocker l’or pour des tiers, bénéficiant de leur stabilité, mais cette pratique est de plus en plus remise en question.
  • Ce basculement reflète des dynamiques globales où les pays émergents cherchent à redéfinir leur place dans un système financier international en pleine transformation.