Poursuivons notre série sur les risques qui pèsent au quotidien sur votre épargne en abordant cette fois les abus dont peuvent se rendre coupables celles qui, paradoxalement, sont censées vous aider à protéger votre argent. À savoir les banques elles-mêmes.

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Ce n’est pas faire preuve d’anti-bancarisme primaire d’affirmer que les banques ont depuis longtemps cessé de faire le travail pour lequel elles ont été inventées. En effet, depuis de nombreuses années, les établissements bancaires ont perdu leur vocation de sanctuaire de l’épargne et de facilitateur des échanges pour devenir des entreprises marchandes avant tout. Et à ce titre, les employés de ces (jadis !) nobles institutions jouent aujourd’hui bien moins le rôle de conseillers que celui de simples commerciaux qui doivent « faire du chiffre ». Quitte à ce que ce soit au détriment du client.

Tarifs abusifs et facturations excessives

Depuis quelques années, un certain nombre d’associations d’usagers de banque s’élèvent contre l’augmentation constante des frais bancaires, voire tout simplement contre leur existence. En effet, de leur point de vue, les banques se rémunèrent déjà sur la plupart des opérations financières courantes, notamment sur les crédits, mais elles profitent également de la « captivité » de leurs clients pour leur imposer des frais toujours plus élevés et pas toujours légitimes.

Ainsi les packages, ces forfaits regroupant plusieurs instruments et services (carte, chéquier, assurance vol des moyens de paiement, abonnement Internet…) sont souvent décriés car ne correspondant que rarement aux besoins réels des utilisateurs. Facturés entre 6 et 15 euros par mois chez les principaux établissements financiers, ils sont souvent présentés comme obligatoires à l’ouverture d’un compte bancaire. Ce qui est bien évidemment totalement faux, d’autant plus qu’ils recouvrent un grand nombre de services dont l’utilisateur moyen n’aura que rarement besoin (voire pas besoin du tout !) et que dans la moitié des cas étudiés par les associations de défense des consommateurs, l’achat de ces services à l’unité reviendrait beaucoup moins cher au final. Quant aux assurances incluses, elles font souvent doublon avec celles qui accompagnent déjà d’autres produits et services pris isolément (cartes bancaires par exemple), ou même qui font partie des assurances habitation et responsabilité que l’on paie par ailleurs.

Au final, on estime que les Français paieront en moyenne près de 220 euros en frais bancaires cette année, en hausse de 1,5% par rapport à l’an dernier, soit la plus forte augmentation depuis 2017. Dans le détail, on s’aperçoit d’ailleurs que les « petits clients » sont les plus touchés avec une progression moyenne de 2,58% (et jusqu’à 6% à la Banque Postale !), contre 0,27% pour les « gros consommateurs ».

credit card possible for bank abuse

De leur côté, les banques mettent en avant la baisse progressive des taux d’intérêt qui les prive de revenus, justifiant par là même la nécessité de se rémunérer autrement pour continuer à offrir le même niveau de service à leur clientèle. Quoi qu’il en soit, on ne peut s’empêcher de constater que les tarifs des banques ne cessent d’augmenter d’année en année tandis que leurs coûts de fonctionnement ont tendance à évoluer à la baisse : 10% des agences ont disparu depuis 2012 et la purge devrait s’accélérer puisque 15% de plus devraient encore être fermées d’ici 2024. Sans compter que la fréquentation des agences devient quasi inexistante, la plupart des usagers préférant gérer leurs comptes bancaires en ligne.

Une période propice aux frais abusifs d’intervention

Avec la crise qui dure, qui s’étale et qui devient presque routinière depuis une dizaine d’années, renforcée ces derniers mois par le retour de l’inflation, de plus en plus de Français connaissent des fins de mois difficiles. Les accidents de trésorerie ne sont donc pas rares et, avec eux, les frais occasionnés par les découverts bancaires explosent.

Longtemps, on a cru que les banquiers étaient mécontents de voir les comptes de certains de leurs clients plonger dans le rouge. Aujourd’hui, on sait qu’il n’en est rien puisque c’est justement sur ces usagers qu’ils gagnent le plus d’argent grâce aux frais qu’ils leur facturent. Qu’il s’agisse des pénalités pour rejet de chèque ou de prélèvement, ou encore des intérêts facturés (les fameux « agios »), on sait plus ou moins ce que chaque incident de paiement peut nous coûter.

photo : Towfiqu Barbhuiya pour Unsplash

Mais c’est surtout au niveau des « frais d’intervention » qu’une certaine opacité règne encore : frais de dépassement, de notification, commission de « forçage » ou d’anomalie, pénalité « d’immobilisation », autant de termes qui n’éclairent pas vraiment sur les actions mises en place par les banques (en général, elles ne font rien d’autre que constater le défaut passager) et encore moins sur le coût qui sera supporté par l’usager en difficulté. Tout juste sait-on parfois que le total des frais ne peut excéder un certain plafond défini, par exemple, comme « le taux effectif moyen visé à l’article L. 313.3 du Code de la consommation, augmenté d’un tiers« . En creusant un peu, on découvre finalement que ce taux de découvert peut facilement atteindre les 15% par an. Autant dire que les difficultés financières de certains de leurs clients constituent une véritable aubaine pour les banques qui préfèrent rester discrètes sur le sujet.

Attention aux « erreurs » de facturation

Les banques sont distraites. Il leur arrive de nous facturer des frais qu’elles n’auraient pas dû. À l’heure de l’automatisation informatique ultime de la gestion de comptes clients, on peut s’étonner de voir encore ce genre « d’erreurs ». Et pourtant…

Ainsi, certains clients parisiens du Crédit Lyonnais se sont vus facturer 8 euros pour la mise à disposition de leur chéquier en agence. Or les banques ne peuvent facturer un chéquier, seul le remboursement des frais d’envoi peut vous être réclamé si vous demandez à le recevoir à domicile.

D’autres usagers de BNP Paribas, de la Société Générale ou encore du Crédit Mutuel ont été débités d’une quarantaine d’euros à chaque fois qu’ils recevaient le récapitulatif annuel de l’état de leur crédit (ou de celui pour lequel ils s’étaient portés caution). Sauf que cette information constitue une obligation pour la banque et ne peut donc en aucun cas être considérée comme une prestation payante.

Enfin, même si la loi a aujourd’hui plafonné le montant de certaines pénalités en cas d’anomalie sur un compte bancaire (par exemple 20 euros pour un rejet de prélèvement, ou encore 8 euros pour absence de provision suffisante), beaucoup de banques semblent avoir « oublié » de répercuter ces limitations dans leurs tarifs. Et il n’est pas rare que certaines d’entre elles facturent jusqu’à 2 ou 3 fois le montant maximum autorisé, la plupart du temps à l’encontre des usagers les plus fragiles et les moins informés de leurs droits. Par exemple, alors que le secteur bancaire s’était engagé (en 2019 seulement, et sous la pression conjointe du Gouvernement et des associations de consommateurs !) à respecter le décret n° 2013-931 du 17 octobre 2013 sur le plafonnement des frais bancaires à 4 euros par opération et 20 € par mois pour environ 3,5 millions de Français les plus financièrement précaires, de nombreux établissements « oublient » de considérer leur situation particulière et continuent à leur appliquer jusqu’à 10 fois par mois la pénalité de 8 euros pour défaut de provision, soit 80 euros pour les seules commissions d’intervention.

De quoi rogner encore un peu plus les maigres économies de ceux qui ont, justement, le plus de mal à épargner.

Assurances emprunteur : une obligation qui n’en est pas une

On aborde ici un point un peu délicat puisque, si aucune loi n’oblige les emprunteurs à souscrire une assurance pour obtenir un prêt, les banques peuvent néanmoins décider de ne pas vous accorder de crédit en l’absence d’une telle assurance emprunteur. C’est d’autant plus valable en cas de prêts immobiliers pour lesquels le préteur exigera quasiment toujours une assurance, en raison notamment des sommes engagées.

D’ailleurs, quelle que soit la situation, une assurance emprunteur est rarement une mauvaise idée dès qu’on parle de sommes importantes, car en cas de perte d’emploi, d’incapacité de travail, d’invalidité permanente ou carrément de décès, c’est à l’assureur que reviendra l’obligation de rembourser le prêt. Une façon de protéger ses économies en cas de coup dur, ainsi que celles de ses proches dans les situations les plus douloureuses.

Toutefois, et c’est là que réside toute la subtilité, cette assurance emprunteur ne doit pas forcément être celle proposée par votre banquier. Au contraire, il y a de grandes chances que vous trouviez sur le marché des propositions d’assurance emprunteur bien plus avantageuses (par exemple 0.15% pour un actif de moins de 35 ans en bonne santé, contre 0.4% en moyenne dans les banques). Une étude réalisée en novembre 2021 par Assurland.com montre ainsi que les contrats proposés par les banques sont systématiquement plus chers que ceux des assureurs spécialisés.

C’est pourquoi, dans le souci de protéger le pouvoir d’achat des Français, la loi vous autorise depuis 2010, non seulement à changer d’assurance emprunteur en cours de prêt, mais aussi à choisir une compagnie d’assurance tierce dès la souscription du crédit.

Le prêt immobilier, un levier de revenus non négligeable pour les banques - photo : Tierra Mallorca

Alors certes, que ce soit par méconnaissance ou par abus d’autorité, la plupart des banquiers continuent à affirmer que la souscription de leur assurance est une obligation pour obtenir un prêt. Avec comme plan B pour les clients qui seraient au courant de la loi, la possibilité de majorer le taux du prêt de quelques dixièmes de point en cas de refus de l’assurance maison. Pas très élégant, en effet, mais impossible à contester légalement. Seule option pour le client, faire jouer la concurrence et choisir la banque qui se montrera la plus respectueuse. D’autant que les crédit, et a fortiori les crédits immobiliers, sont de véritables armes de captation de clientèle pour les banques et tandis que la concurrence se fait de plus en plus rude sur fond de revenus d’activité en berne, avoir des clients captifs sur plusieurs années d’affilée est un véritable challenge.

Attention toutefois aux assurances que les banques pourraient être tentées d’associer « automatiquement » avec certains produits de placement, comme par exemple une assurance décès souscrite à l’ouverture d’un PEL ou d’un CEL. Non seulement, il est fréquent que les clients ne soient même pas informés de son existence (et surtout de son caractère parfaitement facultatif), mais une telle assurance est pour ainsi dire inutile car, en cas de décès du titulaire, les ayant-droits ne recevront rien de plus que le capital épargné, dont ils héritent naturellement quoi qu’il arrive.

Abonnements et services cachés

On aurait pu ranger les pratiques qui vont suivre dans la catégorie des frais bancaires excessifs. mais celles-ci présentent tout de même la particularité de flirter avec la vente forcée, voire de l’abus caractérisé.

Ainsi, certaines enseignes comme le LCL ou le Crédit Agricole ont fait l’objet de plaintes répétées pour avoir inclus dans leur packages des abonnements à des revues aux thématiques parfois très éloignées de leur cœur de métier (jardinage, décoration, etc.). D’autres ont facturé entre 40 et 50 euros par an l’envoi de lettres d’information sans avoir demandé à leurs destinataires si ça les intéressait. D’autres encore, comme BNP Paribas, ont discrètement intégré à leurs bouquets de services un simple accès à une plateforme de mise en relation avec des prestataires de services à la personne (jardinier, électricien…), le tout pour quelques dizaines d’euros par an également et sans aucune remise ni condition avantageuse auprès des professionnels concernés. Avec quelque 6,9 millions de clients particuliers, on comprend que l’opération ne pouvait être que rentable pour la BNP.

Enfin, toujours chez BNP Paribas (qui semblent très imaginatifs en la matière), une offre permet désormais d’avoir toujours affaire au même conseiller à chaque appel ou contact en ligne, pour la modique somme de 12 euros par mois. À défaut, les clients ne souhaitant pas payer pour ce service sont quasiment assurés d’être accueillis par une personne différente à chaque fois. Avec bien évidemment la certitude qu’on ne s’embêtera pas à conserver l’historique de leurs précédentes demandes ou le suivi des réclamations en cours par exemple…

Là encore, quitte à avoir un service relativement impersonnel, peut-être qu’une banque en ligne beaucoup moins gourmande en frais serait préférable.

Des produits inadaptés qui rapportent… à la banque

Enfin, outre les packages souvent truffés de services inutiles, évoquons maintenant les produits financiers destinés à des profils bien particuliers de clients, mais que beaucoup de conseillers peu scrupuleux (ou mis sous pression par leur direction) n’hésitent pas à distribuer à un peu n’importe qui de suffisamment naïf pour les payer.

C’est par exemple le cas du plan d’épargne retraite individuel, un nouveau produit à la mode et facile à vendre grâce à l’avantage fiscal qui permet de déduire les versements de son revenu imposable. L’idée est séduisante, mais elle devient beaucoup moins pertinente dans le cas de jeunes actifs qui, non seulement ne sont pas toujours imposables (donc exit l’avantage fiscal), mais qui se voient également privés d’une partie de leur épargne puisque les fonds déposés sur ce plan ne peuvent pas être retirés avant l’échéance. Et pour un jeune de 20-25 ans, ça signifie une durée de 40 ans environ ! Alors certes, la somme peut être débloquée pour l’achat de sa résidence principale, mais là encore, il est fort probable que cette opportunité ne se présente pas avant quelques années pour ceux qui viennent d’entrer dans la vie active.

À noter d’ailleurs que la vente de produits défiscalisés à des clients non imposables est, avec la tarification abusive, l’une des pratiques bancaires contestables les plus fréquemment rencontrées par les conseillers bénévoles des associations de consommateurs qui aident les personnes fragiles à rééquilibrer leur budget.

Autre profil, autre cas de figure : le client âgé. Lui aussi est souvent la proie d’officines peu scrupuleuses, comme par exemple cette dame dont le mari était très malade et qui accepta de souscrire un contrat obsèques pour une garantie d’un montant de 3000 euros au moment de la disparition hélas inévitable de son époux. Sauf qu’elle doit pour cela résilier une assurance décès qu’ils avaient signée quelques années auparavant et qui prévoyait un versement de 15 000 euros à cotisation égale. L’ironie du sort a voulu que le client est malheureusement décédé quelques mois seulement après cette nouvelle souscription et que sa veuve n’a pas pu toucher l’indemnité prévue car le délai de carence d’un an n’était pas encore achevé !

On pourrait aussi évoquer cette retraitée de 91 ans à qui un conseiller de la banque qui vous promet le bon sens près de chez vous a fait souscrire une assurance-vie dont la durée de détention recommandée est d’au moins huit ans.

Bref, jeune ou vieux, aisé ou devant faire face à des difficultés financières, chacun de nous peut être victime d’abus bancaires, avec comme principale conséquence une érosion plus ou moins importante de son épargne. Par conséquent, à l’heure où l’inflation reste 4 à 5 fois supérieure aux rendements moyens des placements les plus courants, il est plus qu’urgent de retrouver des réflexes de vigilance vis-à-vis de son patrimoine. Une nécessité que nous développerons plus en détail dans le troisième et dernier épisode de cette série.