Quand on pense à l’or, qu’il s’agisse de celui dont on fait les pièces, celui qui constitue les réserves de nos banques centrales ou encore qui compose une grande partie de nos bijoux, on imagine souvent qu’il s’est formé au plus profond de la croûte terrestre.
En réalité, tout l’or extrait du sol jusqu’à ce jour ne vient pas de notre monde, et sa formation remonte à bien plus longtemps que la création de la Terre elle-même.
Laissez-vous emporter jusqu’aux confins de l’espace et du temps à la recherche des origines du plus précieux des métaux : l’or.
Ce qu’il faut retenir
- L’or naît au cœur des supernovae, étoiles géantes en fin de vie qui explosent en dégageant suffisamment d’énergie pour faire fusionner des éléments chimiques simples en métaux lourds.
- La collision d’étoiles à neutrons, vestiges de supernovae, peut également libérer un grand nombre d’éléments chimiques lourds, et en particulier de l’or.
- Cet or stellaire est entré dans la composition primordiale de la Terre mais sa forte densité l’a amené à migrer vers les couches les plus profondes de la planète, au niveau du noyau. Cet or est donc irrémédiablement inaccessible à l’homme.
- L’or que l’on retrouve dans la croûte terrestre provient des millions d’astéroïdes, eux aussi constitués en partie de métaux lourds, et qui ont bombardé la Terre depuis 3.8 milliards d’années. C’est cet or météorique qui compose aujourd’hui tous nos bijoux, nos pièces et nos lingots.
L’or, enfant des étoiles
Imaginez un ciel nocturne, étoilé, scintillant de mille feux. Dans des conditions optimales vous pouvez facilement distinguer à l’œil nu entre 2000 et 3000 points lumineux, dont plus de 90% sont des étoiles, comme notre Soleil, véritables forges cosmiques où la magie de la création des éléments chimiques se déroule à chaque instant.
L’énergie de tout un soleil pour créer chaque atome d’or
Au cœur de ces étoiles, des réactions nucléaires transforment l’hydrogène et l’hélium, les éléments les plus simples, en éléments plus complexes. C’est un peu comme une usine où l’on assemble des briques élémentaires pour créer des structures plus élaborées. Et cette usine fonctionne à des températures et des pressions inimaginables, où chaque seconde voit la fusion de milliards d’atomes. Cependant, cette mécanique stellaire a ses limites. Elle peut produire du carbone, de l’oxygène, du néon et même du fer, mais pas d’éléments beaucoup plus lourds, comme l’or par exemple.
Non, l’or nécessite la survenue d’un événement aussi unique que grandiose : la mort de l’étoile. Grandiose parce qu’une étoile ne meurt pas paisiblement, au contraire, elle disparaît dans une débauche d’énergie et de flamboyance qui la fait briller des milliards de fois plus intensément qu’elle ne l’a jamais fait jusqu’ici. Lorsqu’une étoile meurt, elle explose donc littéralement et son éclat peut se voir quasiment d’une galaxie à l’autre. On appelle ces étoiles agonisantes des novae (du latin nova qui veut dire nouvelle, car les anciens pensaient à tort qu’il s’agissait d’une nouvelle étoile apparaissant dans le ciel).
Maintenant, imaginez une étoile massive, bien plus grande que notre Soleil, dix fois, cent fois, mille fois plus massive, arrivant en fin de vie. Pendant des milliards d’années, elle a consommé tous les éléments qu’elle pouvait : l’hydrogène et l’hélium d’abord, puis des éléments plus lourds à mesure que les éléments plus légers fusionnaient entre eux. Mais désormais, elle n’a plus rien à brûler et elle devient instable.
Brusquement, sous l’énorme pression de tous ces éléments qui s’effondrent sur son noyau, elle explose, comme le ferait une étoile classique, mais à une échelle incomparable, titanesque. Elle devient alors une supernova, et offre un spectacle cosmique si brillant qu’il peut temporairement éclipser une galaxie entière. C’est là, dans cette explosion cataclysmique où l’énergie est si intense, que les éléments chimiques les plus lourds sont formés. Et notamment ce métal jaune quasiment inaltérable dont l’humanité a fait non seulement une monnaie, mais aussi un bien parmi les plus précieux, l’or.
L’autre cataclysme à l’origine de l’or
Il y a un autre évènement cosmique, plus rare mais tout aussi fascinant, qui peut donner naissance au métal précieux. Un évènement cataclysmique, dont la puissance excède même parfois celle d’une supernova : la collision d’étoiles à neutrons.
Ces étoiles, de la taille d’une ville mais avec une masse supérieure à celle du Soleil, sont les vestiges d’anciennes supernovae, justement. En effet, on a vu que lorsqu’une étoile massive a épuisé tout son combustible nucléaire, elle subit un véritable effondrement gravitationnel avant d’exploser. Mais elle ne disparaît pas totalement pour autant. Il subsiste toujours une toute petite partie de l’étoile d’origine, une sorte de noyau extrêmement dense, composé principalement de neutrons maintenus ensemble par des forces de gravitation considérables.
Ces objets errent alors dans l’espace pour une durée infinie, en se refroidissant lentement. Mais, parfois, il arrive que deux étoiles à neutrons se croisent et que leur force de gravité extrême les fassent brutalement entrer en collision, libérant alors une énergie phénoménale, créant un feu d’artifice d’éléments lourds, dont notre or si précieux.
En savoir plus
1er épisode d'idée reçue : l'or est rare ?
Alexandre Monchet analyse toutes les idées reçues autour des métaux précieux dans la série éponyme sur la chaîne YouTube de VeraCash.
Quand l’or arrive sur Terre
Ainsi, chaque gramme d’or qui existe sur Terre témoigne aujourd’hui d’explosions stellaires et de collisions cataclysmiques qui se sont déroulées il y a plusieurs milliards d’années. Mais comment cet or est-il devenu un élément à part entière de notre planète ?
La place de l’or dans la formation de la Terre
Remontons d’environ 5 milliards d’années. À la place de notre monde se trouve un vaste océan de gaz et de poussière, s’étendant sur plus de 15 milliards de kilomètres. C’est le nuage primordial, la nébuleuse originelle, berceau de notre système solaire et véritable pépinière cosmique d’où naîtront à la fois notre soleil, la Terre et ses planètes sœurs.
Au milieu de cet océan protosolaire, de petites particules commencent à s’agglomérer, attirées les unes vers les autres par la force de la gravité. Ces particules forment des rochers, qui à leur tour s’assemblent pour former des planètes et des astéroïdes. Au cœur de cette formation tumultueuse, l’or, mais aussi l’argent et bien d’autres métaux lourds, se mélangent à tout ce qui composera la future jeune Terre.
Sauf que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, tout ce métal ne sera probablement jamais découvert par l’homme, car la chaleur intense qui règne alors sur notre planète en formation fait fondre tous les métaux, y compris les plus lourds, et les fait couler vers le noyau.
Aujourd’hui, on estime qu’il y a peu de chances que les mouvements telluriques et les forces de convection qui agitent le manteau terrestre, situé autour du noyau, aient pu faire remonter cet or jusqu’au niveau de la croûte. Mais alors comment se fait-il que nous en trouvions dans des mines profondes d’à peine quelques dizaines ou centaines de mètres, voire parfois directement en surface dans certains cours d’eau ?
La réponse se trouve là encore dans l’espace, et remonte à une période tumultueuse de notre histoire cosmique, le Grand Bombardement.
Le Grand Bombardement tardif
De récentes études ont montré qu’il y a environ 3.8 milliards d’années, la Terre a sans doute été frappée par une pluie incessante de météorites et de comètes en provenance des différentes ceintures d’astéroïdes de notre système solaire que les mouvements des grosses planètes comme Jupiter ou Neptune avaient quelque peu dérangées.
Selon les chercheurs, ce bombardement dura au moins 100 millions d’années (mais certains avancent une durée plus longue, jusqu’à 2 milliards d’années ), criblant la Terre, mais aussi la Lune, de millions d’impacts plus ou moins importants. Année après année, tous ces débris rocheux vinrent s’écraser sur notre jeune planète, l’enrichissant par la même occasion de tout le métal dont ils étaient constitués. Y compris de l’or, car certains astéroïdes en contiennent beaucoup, proportionnellement à leur masse.
La Terre étant alors depuis longtemps refroidie, et malgré l’intense énergie dégagée par ce bombardement massif, seule une petite partie de cet or fut intégrée au manteau magmatique de notre planète, pour être ensuite attirée vers les couches les plus profondes par la gravité. Mais tout le reste demeura plus ou moins en surface, c’est-à-dire dans la croûte terrestre, mélangé à la roche selon une répartition assez inégale en fonction des endroits où s’étaient abattues les météorites les plus riches en métal jaune.
C’est pourquoi aujourd’hui certaines régions du globe compteraient beaucoup plus de gisements que d’autres. Parfois, il faut creuser des mines pour aller chercher cet or ; d’autres fois, c’est la nature qui se charge de l’amener à notre portée, notamment par l’effet de l’érosion qui décompose lentement les roches en libérant le métal qu’elles contiennent, lequel est ensuite charrié par les rivières pour le plus grand bonheur des orpailleurs.
Chaque pépite d’or, mais aussi chaque pièce, chaque lingot présent dans nos coffres, serait donc ainsi le souvenir d’un corps rocheux venu des profondeurs de l’espace à peu près à la même époque où la vie serait apparue sur Terre. Ce qui fait d’ailleurs dire à certains que le Grand Bombardement tardif aurait également apporté quelque chose de beaucoup plus précieux que l’or. Mais ça, c’est une autre histoire.
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.
D’après votre article, la surface de la Lune serait aussi une formidable mine d’or ?
Bonjour Gaetan,
La surface, non. On sait depuis les missions lunaires de ces 50 dernières années que le sol lunaire est principalement composé de silicium, d’aluminium, d’un petit de fer et de titane. Mais aussi et surtout d’oxygène, pour au moins 50%, qui s’est retrouvé piégé et combiné aux autres éléments chimiques. Un universitaire australien a d’ailleurs calculé qu’il y avait assez d’oxygène à la surface de la Lune pour permettre à toute l’humanité de respirer pendant 100 000 ans.
Mais ce n’est pas le sujet de votre question. Alors, oui, la Lune a été au moins autant bombardée de météorites que la Terre, surtout la face que l’on dit « cachée », opposée à celle que l’on voit dans le ciel. Et donc oui, il est fort probable que les mêmes causes ayant entraîné les mêmes effets, la croûte lunaire soit « riche » en or.
Toutefois, ne rêvez pas trop de futures exploitations aurifères sur la Lune, car installer le matériel nécessaire pour creuser, miner et finalement extraire de l’or de la croûte lunaire, est encore très loin de nos possibilités techniques. Sans compter que si la concentration de métal est similaire à celle que l’on trouve sur Terre, il faudrait déplacer et trier des milliers de tonnes de minerai pour obtenir le moindre lingot. Sans atmosphère, sans eau, et avec une gravité 6 fois plus faible, nos méthodes traditionnelles risquent d’être particulièrement inefficaces.
Enfin, les quelque 382 kilos de roches rapportées de la Lune par les missions Apollo ont coûté plus de 25 milliards de dollars… de l’époque (soit entre 1966 et 1970). Même si on arrivait à optimiser le système, on peut craindre que le coût d’exploitation soit encore (et pour longtemps !) largement disproportionné au regard de la valeur de l’or sur les marchés actuels.
Et si l’IA nous trouvait la façon de fabriquer artificiellement de l’or…L’or ne serait plus une valeur refuge
Bonjour Frédéric,
Pas besoin d’IA pour cela, on sait théoriquement « fabriquer » de l’or depuis pratiquement un siècle.
Alors, je ne parle pas de la Pierre Philosophale que les alchimistes recherchent depuis le Moyen Âge, mais de physique.
En effet, si un chimiste est bien incapable d’obtenir de l’or en mélangeant d’autres molécules, le physicien, en revanche, peut rêver de modifier la formule atomique d’un élément pour le transformer en un autre, que ce soit en ajoutant ou en enlevant des protons de son noyau.
En l’occurrence, grâce à un accélérateur de particules, il est possible de bombarder des atomes avec des particules élémentaires (des protons ou des neutrons par exemple) lancées à des vitesses prodigieuses dans l’espoir de « transformer » l’élément visé… en autre chose. Ainsi, dans le cas de l’or, on pourrait théoriquement tenter « d’ajouter » de force un proton dans un atome de platine, ou au contraire « casser » un atome de mercure pour en « chasser » un proton.
Mais cela reste de la théorie, car deux problèmes majeurs se posent alors :
– un atome étant un corps stable, il faudrait probablement que le nouvel élément gagne ou perde également des neutrons pour rétablir un certain équilibre nucléaire, sans oublier que le nombre d’électrons devra lui aussi changer pour préserver l’équilibre électromagnétique ; et là, c’est déjà moins simple de trouver la bonne façon de s’y prendre…
– l’énergie nécessaire pour obtenir UN atome d’or est potentiellement énorme, donc le coût serait totalement disproportionné par rapport à la valeur de l’or dès lors qu’on chercherait à en produire une quantité significative, même quelques grammes.
Notez que l’idée n’est toutefois pas farfelue, car la création d’atomes d’or dans un accélérateur de particules a déjà été mentionnée dans la littérature scientifique, en particulier par Glenn Theodore Seaborg, Prix Nobel de chimie 1951.