Le 27 juillet 2023, la Banque centrale européenne (BCE) annonçait une neuvième augmentation de ses taux d’intérêts avec un relèvement de 0.25 % de son taux de dépôt qui passe à 3,75 %. En théorie, ces taux orientent les politiques bancaires de la zone euro en matière de coût de crédit, mais aussi pour fixer le rendement de l’épargne. En Belgique, si les emprunts bancaires coûtent en effet de plus en plus cher, l’épargne en revanche continue à être rémunérée à des taux ridiculement faibles. De quoi susciter frustration et méfiance de la part des épargnants.
A l’heure de faire les comptes et de commencer à payer la facture de la surabondance monétaire de ces dix dernières années, il semble que l’épargnant belge soit particulièrement maltraité. En effet, malgré la remontée des taux directeurs de la BCE qui a tout naturellement entraîné une hausse brutale du coût des crédits hypothécaires, les banques du Plat Pays ont conservé des taux de rémunération faméliques pour les comptes d’épargne des particuliers. Difficile de ne pas y voire une volonté assez claire de la part des banques de rattraper le plus vite possible le manque à gagner accumulé depuis 2016 et la politique européenne de taux nuls, quitte à ce que ce soit au détriment des particuliers qui empruntent de plus en plus cher sans pouvoir pour autant compenser avec une épargne plus rémunératrice.
Cette situation est d’autant plus paradoxale que la Belgique est le pays où bat le cœur de l’Europe. On pourrait alors croire que sa situation économique et la structure de son secteur bancaire offrent un aperçu de ce qui se passe dans la plupart des autres pays de l’Union Européenne occidentale. Pourtant, il n’en est rien. Et si certaines particularités distingue la Belgique de ses voisins, notamment en regard de l’inflation qui a récemment frappé le continent et dont les Belges semblent s’être un peu mieux sortis que les autres, cela ne suffit pas à justifier ce que beaucoup considèrent aujourd’hui comme des abus de la part de son secteur bancaire.
La voracité des banques belges
Parce qu’en plus de ne pas rémunérer correctement l’épargne (à peine 0,75% à 1% d’intérêt pour des dépôts laissés au moins 12 mois consécutifs, contre 3% pour les Livrets A français par exemple), tout en faisant payer le prix fort aux emprunteurs (en moyenne 4% par an), les banques belges semblent avoir trouvé un autre filon pour renflouer plus vite leurs comptes : l’augmentation des tarifs bancaires, et ce malgré l’annonce d’une “trêve” sur les hausses tarifaires pour 2023. Une stratégie qui, loin d’être anodine, s’apparente à un véritable coup de poignard dans le dos des épargnants.
Prenons l’exemple de BNP Paribas Fortis, la plus grande banque de Belgique. En 2023, elle a augmenté ses tarifs de manière significative, avec une hausse de 60% pour certains services. Une décision qui a suscité l’indignation des consommateurs et des associations de défense des consommateurs. Et ce n’est pas la seule à avoir succombé à la tentation. D’autres banques, comme ING et KBC, ont également augmenté certains de leurs tarifs, ajoutant ainsi une couche supplémentaire de frustration pour les épargnants.
Comme on l’a dit, ces augmentations de tarifs sont d’autant plus choquantes qu’elles interviennent alors que les banques avaient promis le contraire (elles concernent quelques prestations seulement, pas toujours évidentes à repérer au milieu d’un nombre toujours plus élevés de services, noyées dans des conditions tarifaires quasiment illisibles) et qu’elles pénalisent doublement les épargnants : non seulement ils ne gagnent presque rien sur leurs économies, mais en plus, ils doivent payer des frais bancaires de plus en plus élevés.
Sans oublier que cette situation survient après une période difficile durant laquelle l’inflation a déjà fait perdre beaucoup d’argent aux ménages et aux entreprises. Mais, après plus d’une décennie de taux d’intérêt nuls, les banques sont visiblement déterminées à se refaire une santé financière, quitte à ce que ce soit au détriment de leurs clients. Une stratégie d’autant plus difficile à accepter qu’elle semble parfaitement assumée, délibérée, pas même justifiée par une quelconque contrainte économique, puisque la Banque centrale européenne a elle-même considérablement assoupli ses conditions à l’égard des banques commerciales.
Au regard de ce qui se passe ailleurs en Europe, nombreux sont ceux qui pointent ainsi du doigt le comportement plutôt « vorace » des banques belges. Un comportement qui risque d’ailleurs de creuser encore davantage le fossé entre elles et leurs clients, nourrissant une défiance déjà bien ancrée depuis des décennies, mais qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis la crise de 2008.
Une situation qui se distingue de celle des autres pays de l’UE
Les autres pays européens, justement, parlons-en et voyons à quel point la situation belge est paradoxale. Car, compte tenu de la position institutionnellement centrale de Bruxelles au sein de l’Union européenne, la situation de ses épargnants est d’autant plus préoccupante lorsqu’on la compare avec celle de leurs voisins européens. En effet, l’union bancaire n’ayant encore aucune réalité concrète, beaucoup de pays semblent mieux protéger leurs épargnants que la Belgique.
Prenons l’exemple de la France. Contrairement à la Belgique, la France a mis en place un taux d’épargne réglementé, le Livret A, dont le taux est fixé par l’État et non par les banques. Même si ce taux est actuellement bas (il est tout de même à 3% actuellement et devrait le rester pour encore 18 mois selon le ministre de l’économie Bruno Le Maire), il offre une certaine garantie aux épargnants français, qui ont donc l’assurance de bénéficier d’un minimum de rendement pour leur argent. De plus, même si les banques françaises sont régulièrement épinglées pour leurs politiques tarifaires jugées abusives, le montant moyen qu’elles appliquent est pourtant moins élevé qu’en Belgique, ce qui permet aux épargnants de conserver une plus grande part de leurs économies.
Même son de cloche en Espagne, où les frais bancaires restent plus modérés qu’en Belgique et où certaines banques proposent des comptes d’épargne dont les taux de rémunération sont similaires au livret A français.
En Allemagne, la situation est également plus intéressante qu’en Belgique, car même si les banques allemandes ont tendance à facturer des frais bancaires plus élevés que leurs homologues françaises, ces frais restent là encore relativement raisonnables par rapport à ceux que pratiquent les banques belges. Du reste, la concurrence entre les banques étant très forte en Allemagne, certaines d’entre elles jouent sur ces frais en les réduisant de manière plus ou moins importante pour attirer les clients. Là encore, ce sont donc les épargnants qui en sortent gagnants.
Les épargnants belges n’ont plus confiance en leurs banques
Clairement, les banques belges semblent avoir oublié que la confiance est le ciment qui les lie aux épargnants, qui assure leur fidélité. Et déjà qu’il était fragile par nature, ce lien est aujourd’hui de plus en plus compromis. Alors oui, ce n’est pas qu’en Belgique qu’une défiance croissante s’est installée entre les clients et leurs institutions financières. Et les épargnants belges ne sont pas les seuls à avoir le sentiment d’être les dindons de la farce. Mais on a vu à quel point leur situation est particulièrement peu enviable par rapport à ce qui se passe, juste de l’autre côté de leurs frontières par exemple.
Comment les Belges pourraient-ils avoir confiance en leurs banques ? D’un côté, ils voient leur argent fondre comme neige au soleil, grignoté par les frais bancaires et une inflation, certes plus basse que dans la plupart des autres pays européens, mais qui reste supérieure aux taux d’intérêt dérisoires qu’on leur sert sur leur compte d’épargne. De l’autre, ils observent les bénéfices colossaux engrangés par les banques, ce qui ne fait qu’alimenter un certain sentiment d’injustice. Par exemple, en 2022, BNP Paribas Fortis a vu son bénéfice net s’envoler de 19% pour atteindre près d’1,5 milliard d’euros pour sa seule filiale belge. Un record absolu. Jamais non plus l’enseigne de banque-assurance Belfius n’avait jusqu’ici gagné autant d’argent depuis sa création : 975 millions d’euros net, en hausse de 40 millions par rapport à 2021. Quant au groupe KBC, il a dégagé un bénéfice net de près de 3 milliards d’euros, en hausse de 10%, soit sa meilleure performance depuis 2007. Même la filiale belge du géant néerlandais ING, qui a connu un petit trou d’air en 2022 en raison de frais exceptionnels liés à la restructuration de son réseau, vient toutefois de dépasser pour la deuxième année consécutive la barre des 3 milliards d’euros de revenus.
Alors quand en prime l’épargnant moyen voit ses économies rémunérées au taux de 0.75 % par an, on comprend qu’il se sente lésé. Et ce sentiment n’est pas sans conséquences. Car il pousse de plus en plus d’épargnants à se tourner vers des alternatives à la banque traditionnelle. Les néo-banques sur Internet, avec leurs offres alléchantes et leurs frais réduits, attirent ainsi de plus en plus de clients déçus par le système financier classique. On trouve ainsi des petites enseignes à l’instar de MeDirect ou NIBC qui proposent jusqu’à 2% d’intérêt. Pas encore de quoi rivaliser avec les taux français, mais tout de même 2 à 3 fois plus que les gros réseaux nationaux.
Des épargnants qui s’éloignent du système financier classique
Les placements alternatifs, comme les cryptomonnaies ou l’investissement immobilier, séduisent également ceux qui cherchent à faire fructifier leur épargne loin des griffes des banques. Mais c’est surtout avec l’or que les épargnants belges peuvent le plus efficacement tirer leur épingle du jeu. Certes, ce ne sera pas au niveau du rendement, car l’or n’est pas un actif spéculatif, il ne produit pas d’intérêt. En revanche, il protège le capital en période d’inflation puisque son cours suit la hausse des prix, ce qui n’est pas le cas de la rémunération de l’épargne sur un compte traditionnel qui ne parvient même pas à compenser l’inflation.
Et surtout, l’or possède sa valeur propre, c’est un actif tangible qui peut, à terme, offrir une plus-value à la revente et donc permettre à l’épargnant de préserver, voire d’augmenter son pouvoir d’achat à échéance.
Ces avantages concernent toutes les personnes qui décident d’épargner une partie de leur patrimoine en or, mais les épargnants belges sont d’autant plus favorisés que leur pays n’applique aucun impôt sur la vente d’or !
Auteur et consultant depuis plus de vingt ans dans le domaine de la communication stratégique, il a plusieurs fois travaillé pour le compte d'entreprises financières dont il décrypte aujourd'hui les coulisses et les mécanismes économiques de base à l'intention du plus grand nombre.